1741-02-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Vos yeux mon cher et respectable amy pouront ils lire ce que vous écrivent deux personnes qui s'intéressent si tendrement à vous?
Nous aprenons par monsieur votre frère le triste état où vous avez été. Il nous flatte en même temps d'une promte guérison. J'en félicite madame Dargental, qui aura été sûrement plus allarmée que vous, et dont les soins auront contribué à vous guérir, autant pour le moins que ceux de m. Silva.

Cette bauté que vous aimez,
Et dont le souvenir m'est toujours plein de charmes,
A sans doute éteint par ses larmes
Le feux trop dangereux de vos yeux enflammez.

Je vous renvoye sur Mahomet, et sur le reste, à la lettre que j'ay l'honneur d'écrire à mr de Pondeveyle. J'attendray que vos yeux soient en meilleur état pour vous envoyer mon prophète, mais j'ay peur qu'il ne soit pas profète dans mon paÿs. Adieu, je vous embrasse, songez à votre santé, je sçai mieux qu'un autre ce qu'il en coûte à la perdre. Adieu, je suis à vous pour jamais avec tous les sentiments que vous me connaissez. Je veux dire nous.

Mille tendres respects à me Dargental.

V.