1741-01-30, de Voltaire [François Marie Arouet] à Bonaventure Moussinot.

Mon cher abbé j'ay toujours oublié dans mes lettres de vous parler des dix années que me doit M. de Goebriant.
J'ay quelque idée que son procureur me devoit payer. Voudriez vous bien vous en informer?

Je vous avois dit par ma dernière lettre que je vous enverrois une lettre de change au nom du sr des Vignes. Je l'ay donnée aujourduy à quinze jours de vue. Elle est de deux mille livres, mais comme je n'en ay encor reçu que mille, je vous prie de vous servir de votre prudence ordinaire pour ne rien hazarder.

Vous pourez aisément dire au porteur qu'il revienne dans dix ou douze jours, sans accepter la lettre de change comme un banquier, et luy disant seulement que vous me ferez le plaisir de donner cet argent pour mon compte. Vous luy donnerez mille francs quand il reviendra, et vous le remettrez à dix ou douze jours pour les autres mille livres restans.

Ce délay me donnera le temps de m'éclaircir si je toucheray ou non les 1000 restant des 2 mille, dont j'ay fourni lettre. J'ay pris la précaution de tirer du sr des Vignes un billet portant qu'il ne m'a remis que mille et tant de livres. Ainsi mon cher abbé sans vous commettre en aucune façon, vous pourez payer moitié, et me donner le loisir de prendre un arrangement certain pour l'autre moitié. C'est de quoy je vous prie instamment.

J'ay aussi envoyé une lettre de change à Mr de Froulay de Tessé, frère de l'ambassadeur de Venize, et bailly de Malte. Elle est de 2400lt. Cela est payable à vüe.

Je me flatte mon cher amy que ma nièce aura bientôt un petit lustre bien choisi de votre main. Je vous embrasse du meilleur de mon âme.

V.