ce 3 avril [1739]
Mon cher abbé, j'ay abord à vous dire qu'au lieu de recevoir deux mille livres de Mr Michel, je vous prie de l'engager à prendre dix mille livres pour un an, les quelles, avec les 2000lt qu'il me doit, feront 12000lt.
Le reste sera pour notre voiage dans les Pays Bas, et ces dites 12000lt entre les mains de m. Michel serviront dans un an ou deux, si je suis en vie, à m'acheter quelques meubles pour le Palais Lambert.
Mr votre frère fait des pas très inutiles auprès de M. de Goebriant. Je vous ay déjà dit que ce n'est pas avec les pieds mais avec la main qu'on fait des affaires. On ne trouve jamais Mr de Goebriant. Une lettre est rendue sûrement, et cent voiages sont inutiles. On perd quatre heures de temps, et toutte sa journée à courir, on ne perd qu'un quart d'heure à écrire. Il peut donc écrire à mr de Goebr. mais il ne doit jamais y aller.
Il faut en user ainsi avec m. d'Auneuil, luy demander la permission par lettre de s'adresser à ses locataires, afin de ne le pas importuner. Il faut de même un petit mot à mr de Leseau, luy demander une délégation ou permission de s'adresser à ses fermiers, et agir en conséquence. Tout cela ne doit coûter qu'une demi heure d'écriture.
Quant à M. le duc de Villars on peut attendre son retour.
Un mot de lettre à Mr Clement est nécessaire. Monsieur le duc de Richelieu doit payer par les mains des fermier de son duché. Cette affaire ne fera pas de difficulté. Voylà ce que c'est que d'avoir une délégation. Si nous pouvons en obtenir, ou plutôt nous en donner sur les biens des autres débiteurs, nos affaires seront doresnavant bien faciles.
Faites moy l'amitié mon cher abbé d'envoyer encor trois louis au chev. de Mouhi, mais c'est à condition que vous lui écrirez ces propres mots: M r de V., mon amy, me presse toutes les semaines de vous envoyer de l'argent, mais je n'en toucheray pour luy peutêtre de six mois. Voicy 3 louis qui me restent, en attendant mieux.
Envoyez chercher le grand d'Arnaud, et dites luy qu'il peut venir à Cirey quand il voudra avec m. Helvetius, que madame la marquise le trouve bon.
Voicy une autre affaire. Je voudrois au moins prése[nter] requête au lieutenant criminel, pour être à deux de jeu avec Desfontaines. C'est comme vous savez en général contre la Voltairomanie qu'il la faut présenter, avec demande de permission d'informer. Cela ne peut nuire, et peut servir.
Je vous prie mon cher amy d'aller chez mr d'Argenson, l'ambassadeur, de luy dire que cette démarche ne s'opose point à ses vues, que ce n'est qu'une précaution sage, et que je ne veux la faire que par ses ordres. Je vous prie d'en écrire autant à m. d'Argental et à mr du Chastelet, en les assurant que ce n'est qu'une précaution. Je vous embrasse du meilleur de mon cœur.
Comptez que voylà la dernière corvée de cette indigne affaire.
V.