à Berlin le 21 Juin 1740
La Lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, Monseigneur, par le Courrier que j'ay envoyé, m'a êté renduë le 19e à 9 heures du soir; J'avois reçeu le Matin du même jour une Lettre de Mr De Voltaire que je n'ay pas l'honneur de connoitre; Mais une Tracasserie dont je ne puis démêler l'origine et le But l'avoit indisposé contre moy; Je n'ay que Lieu de me Loüer de la façon dont il a pris ma justification que je luy ay fait passer par sa Nièce, femme d'un Commissaire des Guerres à Lille.
Je ne voulois pas qu'un Amis du Pe Royal (Car, Mgr, il est Déclaré tel) pût se plaindre de moy; Il m'a fait l'honneur de m'écrire la lettre du monde la plus obligeante; et je sçais qu'il a fait plus; C'est qu'il a écrit au Roy de Psse tout ce qu'il pouvoit pour inspirer à ce Pce de L'Estime pour moy; il me mande entre autres choses aprés m'avoir dit combien il désiroit pouvoir être témoin du couronnement du Roy de Psse et de ses succès dont il n'a jamais douté, Ce seroit dit il un Bonheur bien flateur pour moy de pouvoir être auprés de sa Majesté; Mais ne pouvant quitter mes amis pour des Roys, je me borne aux voeux les plus ardents &a. Ce que vous me faites l'honneur De me mander Mgr me mêt fort à mon aise; Car je ne me suis pas figuré que ce fût le Dernier mot de Mr De Voltaire, et qu'il prendroit le parti de venir à Berlin; J'hésitois à luy offrir un apartement chez moy sentant cependant qu'il pourroit m'être de quelque secours; Mais je ne sçavois si vous l'aprouveriez; La lettre que je luy écris est des plus pressantes; Ce ne doit pas être ce qui le Déterminera; Je scais que le Roy de Psse luy a écrit luy même les progrès de La Maladie du Roy son Père et même sa Mort; Il ne seroit pas impossible que sa présence diminuë quelque chose de la bonne opinion que ce Pce a conçeu de luy. On m'a asseuré qu'il doit attirer à Berlin les sçavants de toute Espèce, et que le fameux Mr Wolff sera trés pressé d'y venir . . . .