1770-06-11, de Antoine Adam à Élie Bertrand.

Monsieur,

Je n'ai différé ma réponse à La derniére dont vous m'avez honoré, que pour travailler conformément à vos désirs, et pour vous aprendre au juste Le succez de nos négociations, et tout ce qu'on a pû obtenir de Monsieur De Voltaire par raport à La Typographie à La quelle vous vous intéressez.
Comme je ne puis rien sur Monsieur de Voltaire pour L'impression de ses ouvrages, je me suis adressé à Madame Denis, qui est La bonté même, et qui est toute puissante auprés de Lui. Je L'ai priée d'envoyer à Neufchatel Le premier volume, et Les feuilles du second à mesure qu'on Les imprimeroit à Genève. Je Luis dis qu'Elle obligeroit par Là deux hommes qu'Elle estime infiniment, et vraiment dignes de touts Les services qu'on peut Leur rendre. J'ajoutai même qu'Elle vous en avoit donné quelque espérance. Elle me répondit qu'Elle n'oseroit, et que ce seroit une espéce d'infidélité à Monsieur son oncle. Je Lui promis que L'édition de Neuchatel ne paroitroit qu'aprés celle de Genéve, et Lui assurai que vous vouliez seulement prévenir Les imprimeurs de Hollande et de Lausanne. Cela ne pût calmer sa délicatesse. Elle me dit qu'Elle en parleroit à Monsieur De Voltaire, et me promit de faire auprés de Lui tout ce qu'Elle pourroit, afin d'en obtenir ce que nous souhaitions. Elle a tenu parole. Elle est revenue mesme plusieurs fois à La charge, Mais Le succez n'a pas répondu entiérement à nos désirs, ni à ses efforts. Tout ce qu'Elle a pû gagner, c'est qu'on Lui a promis qu'on vous enverroit L'ouvrage assez à tems, pour que vous ne fussiez prévenu par aucun autre éditeur. Si pendant cet intervale il sort quelque piéce du grand Laboratoire des Muses, soyez assuré que je ne manquerai pas de vous L'envoyer aussitost, trop charmé de L'occasion, qu'elle m'offrira, de vous renouveller mes protestations des sentiments tendres et respectuëux, avec Les quels j'ay l'honneur d'être

Monsieur

Vôtre trés humble et trés obéïssant serviteur

Adam

Madame Denis vous remercie de La part que vous avez prise à son indisposition. Elle est un peu moins mal, et me charge de vous dîre mille choses de sa part.