2 janvier [1740]
Mon cher philosophe je vous remercie tendrement de votre souvenir et de la fidélité avec laquelle vous avez soutenu la bonne cause dans l'affaire de Praut.
Il y a longtemps que je connais, que je défie, et que je méprise les calomniateurs. Les esprits malins et légers qui commencent par oser condamner un homme dont ils n'imiteraient pas les procédés, n'ont garde de s'informer de quelle manière j'en ai usé. Ils le pourraient savoir de Praut lui même, mais il est plus aisé de débiter un mensonge au coin du feu que d'aller chez les parties intéressées s'informer de la vérité. Il y a peu d'âmes comme la vôtre qui aiment à rendre justice. Les vérités morales vous sont aussi chères que les vérités géométriques. Je vous prie de voir mr Arouet et de demander l'état où il est; dites lui que j'y suis aussi sensible que je dois l'être, et que je prendrais la poste pour le venir voir si je croyais lui faire plaisir. Je vous demande en grâce de m'écrire des nouvelles de la disposition de son corps et de son âme. Adieu, mille amitiés à madame Pitot sans cérémonie.