1739-01-09, de Marguerite Madeleine Du Moutier, marquise de Bernières à Voltaire [François Marie Arouet].

Rien n'approche de l'horreur & de l'abomination de l'abbé des Fontaines, c'est un monstre qu'il faudrait étouffer; il ose donner au public les impostures les plus grossières & les plus affreuses, & l'ingratitude la plus noire à votre égard.
Feu Monsieur de Berniere ni moi ne le connaissions que de réputation, il n'est ni son parent ni le mien. Il est vrai qu'il avait quelques alliances avec la belle-mère de mr de Berniere; mais cela n'avait nul rapport avec nous. Vous nous le présentâtes, tout ce qui venait de votre part était sûr d'être bien reçu. Quelque temps après il fut mis à Bissetre, ce fut dans cette occasion où vous vous donnâtes tous les mouvements possibles pour l'en tirer, & vous employâtes tous vos amis. Ce ne fut assurément qu'à votre sollicitation que mr de Berniere le réclama pour son parent, & répondit de sa vie & mœurs, & le mena à la Rivière Bourdet; car vous savez bien le peu d'estime qu'il avait pour lui, & depuis le séjour qu'il fit avec nous, il ne voulut jamais le revoir. Il est vrai que vous louiez un appartement dans la maison où nous demeurions sur le quai, où vous aviez donné un logement à Tiriot, que vous avez très bien payé pour vous, & pour lui. Vous nous avez fait souvent prêter de l'argent sans aucun intérêt. Tout le monde sait combien nous fûmes fâchés lui & moi, lorsqu'en 1726 vous nous remîtes votre appartement: vous cherchâtes à nous consoler, en venant nous voir presque tous les jours tant que vous restâtes à Paris; vous aviez même fait beaucoup de dépense pour rendre votre appartement commode & logeable. Vous avez la satisfaction, mon cher Voltaire, que tous les honnêtes gens sont irrités contre l'abbé des Fontaines, & semblent partager avec vous ses odieuses calomnies. Pour moi, je ne cesse de dire à tout le monde les vérités que je vous écris, &c.

la présidente De Berniere