Monsieur,
Je vous supplie d'excuser le mauvais état de ma fortune, & la soustraction de tous mes papiers, qui m'a empêché jusqu'ici de reconnaître le mauvais procédé de ceux qui ont abusé de mon malheur, pour me forcer, en me trompant, à vous faire un procès injuste, & à laisser imprimer un factum odieux.
Je les désavoue tous deux entièrement. La malice de votre ennemi n'a servi qu'à me faire encore mieux reconnaître la bonté de votre caractère. Ayez celle de me pardonner d'avoir écouté de si mauvais conseils: je vous jure que je m'en suis repenti au moment même que j'avais le malheur de laisser agir si indignement contre vous. J'ai bien reconnu combien on m'avait trompé. Vous n'ignorez pas la méchanceté de celui qui m'a conseillé: voilà à quoi elle s'est portée; on s'est servi de moi pour vous nuire. J'en suis si fâché, que je vous promets de ne jamais voir ceux qui m'ont forcé à vous manquer à ce point; & je réparerai le tort extrême que j'ai eu, par l'attachement constant que je veux vous vouer toute ma vie, comme à mon ancien bienfaiteur. Je vous prie, monsieur, de me rendre votre bienveillance, & de croire que mon cŒur n'a jamais eu de part à la malice de vos ennemis. Oui, c'est mon cŒur seul qui m'engage à vous le dire; & j'ai l'honneur d'être avec un très profond respect, monsieur, votre très humble & très obéissant serviteur.
A Paris, ce 30 [20] décembre 1738