6 Xbre 1738
Mon très cher amy, mitonnez moy Le manipulateur, vous aurez dans peu notre décision.
Comme on imprimoit en Hollande les 4 épitres je viens de les envoyer corrigées, très corrigées, surtout la première et mon cher T. est à la place d'Hermotime.
Vous me faites tourner la tête de me dire qu'il ne faut point de tours familiers. Ah mon amy ce sont les ressorts de ce stile. Quelque ton sublime qu'on prenne, si on ne mêle pas quelque repos à ces écarts on est perdu. L'uniformité du sublime dégoûte. On ne doit pas couvrir son cu de diamans comme sa tête. Mon cher amy sans variété jamais de bauté, être toujours admirable c'est ennuyer. Qu'on me critique, mais qu'on me lise. Passons du grave au doux, du plaisant au sévère. Gare que le père Voltaire ne soit père Savonarole. Eh pour dieu communiquez vite à mr Dargental l'épitre sur la nature du plaisir, et envoyez moy les 8 ou 10 vers que j'ay perdus après
Envoyez S'Gravesende chez l'abbé. Il ne faut jamais attendre d'occasion pour un bon livre. L'abbé le mettra au coche sur le champ.
Il me faut le Borehave français, je le crois traduit. Il y a une infinité de drogues dont je ne sçai pas le nom en latin.
Ai-je souscrit pour le livre de mr Brémont? Aurai-je quelque chose sur les marées par quelque tête anglaise?
Je crois que je verray demain Wallis et l'Algaroti français. J'avois proposé à mr Algaroti que la traduction se fît sous mes yeux. Je vous réponds qu'il eût été content de mon zèle. Demandez luy si mr l'abbé Franquini luy a donné le Neuton que je luy ay adressé.
Je ne sache pas qu'on ait imprimé rien de mes lettres à Maffei, mais ce que j'ay écrit soit à luy soit à d'autres sur l'abbé Desfont. a baucoup couru. Si on m'avoit cru on auroit plus étendu, plus poli, et plus aiguisé cette critique. Il étoit sans doute nécessaire de réprimer l'insolente absurdité avec la quelle ce gazetier attaque tout ce qu'il n'entend point, mais je ne peux être partout, et je ne peux tout faire.
Aureste je ne crois pas que vous balanciez entre votre amy, et un homme qui vous a traitté avec le mépris le plus insultant dans le dictionaire néologique, dans un ouvrage souvent imprimé, ce qui redouble l'outrage. Il ne m'a jamais ny écrit ny parlé de vous que pour nous brouiller. Jamais il n'a employé sur votre compte un terme honnête. Si vous aviez la faiblesse honteuse de vous mettre entre un tel scélérat et votre amy vous trahiriez également ma tendresse et votre honeur. Il y a des occasions où il faut de la fermeté. C'est s'avilir de ménager un coquin. Il a trouvé en moy un homme qui le fera repentir jusqu'au dernier moment de sa vie. J'ay de quoy le perdre. Vous pouvez l'en assurer. Adieu, je suis fâché que la colère finisse une lettre dictée par l'amitié.
Mr Desalleurs, mr de Formont, mr Dubos, mr Clement, quelles nouvelles? Il faut absolument un autre portrait en bague à la place de celuy qui a été brûlé. Je suis fâché de l'accident. N'esce point quelque dévot qui aura fait cette action? Eh morbleu qu'on brûle le portrait de Roussau! Depuis qu'il fait des sermons il mérite mieux que jamais d'être brûlé. Mais moy? et brûler ce qui devoit être au doit d'Emilie! Cela est bien dur. Vale.