1738-06-17, de Frederick II, king of Prussia à Voltaire [François Marie Arouet].

Mon cher ami, C'est la Marque d'un génie bien supérieur que de resevoir comme Vous le faites les doutes que je Vous propose sur Vos ouvrages; Voilà Machiavel rej͞e de La Liste des grands hommes, et Vostre plume regrette de s'être souillé de son nom; L'Abé du Bos dans son parallelle de La poésie et de La peinture cite cet Itallien politique au Nombre des grands hommes que l'Italie ait produite depuis le renouvellement des Sciences.
Il s'est trompé assurément et je Voudrois que dans tout Les Livres on put Rej͞er le nom de ce fourbe politique du nombre de ceux où le Vostre doit tenir Le premier Rang.

Je Vous prie instemment de Continuer L'Histoire du Siècle de Louis le grand. Jamais L'Europe n'a vu de pareille Histoire, et j'osse Vous assurér qu'on n'a pas même l'idée d'un ouvrage ausi parfait que celui que vous avéz comencé. J'ai même des raisons qui me paraissent plus pressantes encore pour vous priér de finir cet ouvrage. Cette phisique expérimentelle me fait tremblér, je crains le vif argent, je craind le laboratoire et tout ce que ces expériences entrenent après elles de nuissible à la santé. Je ne sauréz me persuadér que vous ayéz la Moindre amitjé pour moi si Vous ne Vouléz Vous ménagér. Enverité Madame la Marquise devroit y avoir l'oeuil. Si j'étois en sa place je Vous donneréz des ocupations si agréables qu'elles Vous feroient oublier toutes Vos expériences.

Vous suportéz Vos douleurs en véritable philosophe; pourvu qu'on voulût ne point obmetre Le bien dans le compte des meaux que nous avons à soufrir aux monde nous trouverions toujours que nous ne somes pas tent malheureux. Une grande partie de nos meaux ne consiste que dans La trop grande fertillité de nostre imagination mêlée avec un peu de ratte.

Je suis si bien au bout de ma Métaphisique qu'il me seroit imposible de Vous en dire davantage. Chaqun fait des eforts pour deviner les Resorts cachéz de la Nature. Ne se pouroit-il pas que les philosophes se trompassent touts? Je consois tant de Sisthèmes différents qu'il y a de philosophes, tous ces sisthèmes ont un degré de probabilité, cependent ils se contredissent touts. Les Malabares ont calculé Les révolution des globes célestes sur le principe que le soleil tournoit autour d'une grande Montagne de leur païs, et ils ont calculé juste.

Après cela qu'on nous Vante les prodigieux eforts de la Raisson humaine et la profondeur de Nos Vastes connoisances. Nous ne savons que peu de choses réellement mais notre esprit a l'orgueil de Vouloir ambrasser tout. La Métaphisique me parut autre fois comme un païs propre à faire des grandes découvertes, àpressent elle ne me présenste qu'une Mer fameuse en N'aufrages.

Jeune j'aimais Ovide, àprésent c'est Horace. Boileau.

La Métaphisique est comme un Charlatan, elle promet beaucoup, et L'expérience seule nous fait conoitre qu'elle ne tient rien. Après tout ce qu'on observe soit en étudiant ou les sciences, ou l'esprit des Hommes on devient naturellement enclein au septissisme et

Vouloir beaucoup conoitre est souvent aprendre à Douter.
Je ne sais de quel auteur.

La philosophie de Neuton à ce que je Vois m'est parvenüe plustôt qu'a son auteur. Le Titre m'en a paru asséz singuillér et il paroit bien que ce livre le tient de la libéralité du Libraire. Un habille algébraiste de Berlin m'a parlé de quelque légère faute de Calculs, mais d'ailleurs les conoisseurs en ont paru charmé. Quand à moi qui juge sans beaucoup de conoissence de ces sortes de Matjères j'aurai un jour quelques éclerssisements à vous demander sur ce Vuide qui me paroit fort Merveilleux et incompréhensible, et sur le flux et reflux de la mer causée par l'atraction, encore sur la raisson des couleurs, etz. Je Vous demanderai ce que Pierot, ou Lucas vous demanderoit si Vous les informiéz sur de pareils Sujets et il Vous faudra quelque penne encore pour me convaincre.

Je ne disconviens point d'avoir apersçu quelque Véritéz frapantes dans Neuton mais n'y auroit il point des principes trop étendüs, en un mot du filagrame mêlé avec des Colomnes de l'ordre Toscan? Dès que je serai de retour de mon Voyage je Vous exposerai tout mes douttes. Souvenéz vous que

Vers la Vérité le doute les conduit. Hen: chant 7.

Apropos de doutes, je Viens de lire les 3 derniers actes de La Merope; La haine assosiée à la plus noire envie ne pouront àprésent rien trouver à redire contre cet admirable pièce. Ce n'est point puissque Vous avéz eu égard à ma critique, ce n'est point que l'amitié l'aveugle; mais c'est la Vérité; mais c'est puissque La Merope est sans reproche. Toute les règles de la Vraisemblance y sont observées, tout les événements y sont bien amenéz, Le Caractère d'une Mère tendre que la Tendresse Trahit Vaut tout les Origineaux de Vandeik. Polifonte Conserve àpressent l'unité de son Caractère, et tout ce qu'il dit répond aux caractère d'un Tiran Soupsoneux. Narbas à dans ses conseils toute la timidité ordinaire des Vieilards. Il reste Naturellement sur le Téattre. Caricles parle Com͞e parleroit Voltaire s'il étoit dans sa place, il à le cœur trop Noble pour cometre une bassesse, il à du Courage pour Vangér Les Mânes de son père, il est Modeste après les succès et reconoissant envers ses bienfaiteurs. Seroit il permis à un Alleman, à un altromontain de faire une petite remarque gramaticale sur les deux derniers Vers de la pièce? O! Tempora! O! Mores! un Beotien veut acussér Demosthene d'un sollicissme. Il s'agit de ces deux vers. . . .

Allons montér au trône en y plaçant ma mère,
Et Vous, mon cher Narbas, soyéz toujours mon père.

Cet et Vous mon cher Narbas, esse à dire qu'on placera Narbas sur le trône en y placent ma mère et vous, ou esse à dire, Narbas vous me servirai toujours de père? Ne pouriéz Vous pas metre

Allons Monter aux trône et plasons y ma mère,
Pour Vous Mon cher Narbas soyéz toujours Mon père?

Voilà qui est bien impertinent, je mériterois d'estre chasé à coup de foit du parnasse français, il n'y a que l'intérêt de mon ami qui me fasse commetre des incongruitéz pareilles. Je Vous prie reprenéz moi et metéz moi dans mon tord. Vous auréz trouvé, que ce plassons y n'est pas assés Harmonieux, je l'avoue, mais c'est plus intelligible.

Voilà ma pièce politique telle que j'ai eu dessein de la ffaire imprimér. J'espère qu'elle ne sortira point de Vos mains, vous en comprenderai Vous même les conséquences. Je Vous prie de m'en dire Vostre Sentimens en gros sans entrér dans aucun détail des faits. Il y manque un mémoire que j'aurai dans peu et que Vous pourai toujours y faire ajouter.

Les Mémoires de l'accadémie que je fais Venir seront Ma tâche pour cet été et pour l'autone. Je vous suis quoique de loin dans mes ocupations comme une tortue qui rampe sur la piste d'un serf.

Le jeune Home auteur de l'allégorie, charmé de Vostre aprobation, sent échofér sa Venne. Elle a déjà produit quelque échantillon Nouveaux comme Vous le pourai Voir. Il n'y a que Le Nom de Voltaire qui nous face compossér tout tant que nous sommes, ce n'est point nostre Colère qui nous Vaut un Apollon, c'est Vous qui Nous le Valléz. Le Merope du Chevaillér Mafie est en chemin, elle doit arivér dans peux.

Le paquet dont on Vous a avissé et que le supstitut de Tronchin ne Vous à point envoyé contient quelque bagatelle pour la Marquise. C'est un Meuble pour son boudoir. Je Vous prie de l'assurér de L'estime que m'inspirent tout ceux qui vous savent aimér. Cesarion me paroit un peu touché de la Marquisse. Il me dit, quand elle parloit j'étois amoureux de son esprit et lorsqu'elle ne parloit pas je l'étois de son corps. Heureux sont les yeux qui l'ont vus et les oreilles qui l'ont entendues, plus heureux ceux qui conoissent Voltaire et qui le possèdent tout les jours.

Vous ne sauriéz croire à quel point je suis impatient de Vous Voir. Je me lasse horiblement de ne Vous conoitre que par les yeux de la foix, je Voudrois bien que ceux de la cher eusent ausi leur tour. Si jamais on Vous enlève songéz seulement que ce sera moi qui ferai la Rolle de Paris.

Soyéz perssuadé de tout les sentiments avec lesquels je suis Vostre très fidèlle ami

Federic