1738-05-25, de Voltaire [François Marie Arouet] à Pierre Louis Moreau de Maupertuis.

J'ay corrigé monsieur bien des fautes ridicules des éditeurs dans ce qui regarde les loix de l'attraction et de la chute des corps dans notre monde planétaire.

page 122, où il est dit, un corps par une pesanteur toujours égale etc. Le sens est très ambigu, et il ne suit point du tout je crois des proportions de Galilée, que la gravitation doive décroitre en raison des quarrez des distances. Il s'agit seulement de savoir si un corps qui tombe d'environ 15 pieds dans la première seconde, tombera, de cette même hauteur à des distances différentes du centre. J'ay refait cette page.

page 227, ligne 3, je trouve des vibrations si promptes, pour moins promptes.

Je devrois outre cela distinguer comme vous avez très bien fait, le poids des corps d'avec la force de la pesanteur. Je vous suplie de m'indiquer les autres fautes, car le temps presse.

Voicy une autre obligation que Cirey peut vous avoir et une affaire digne de vous.

Un mémoire sur la nature du feu, et sur sa propagation, avec la devise

Ignea convexi vis et sine pondere cœli
emicuit summa que Locum sibi legit in arce,

est de madame du Chastelet, et semble avoir eu votre aprobation. Ne seroit il point de l'honneur de L'académie autant que de celuy d'un sexe à qui nous devons tous nos hommages, d'imprimer le mémoire, en avertissant qu'il est d'une dame? Mais vous partez pour st Malo; qui pouvez vous charger en votre absence de cette négotiation? et qu'en pensez vous? Réponse à vos admirateurs la plus prompte que vous pourez.

Peutêtre croirez vous que j'auray pu gâter le mémoire de madame du Chastelet en y mêlant du mien, mais tout est d'elle. Les fautes sont en petit nombre, et les bautez me paraissent grandes. Il faudrait qu'elle eût la liberté de le corriger. Vos académiciens seroient des ours s'ils négligeoient cette occasion de faire honeur aux sciences. Je vous embrasse du meilleur de mon cœur.

V.