3 avril [1738]
En réponse à celle du 31 mars.
Je vous renvoye mon cher abbé la reconnaissance de mr Michel, et je persiste à luy donner 20000tt en rentes viagères et à luy laisser 20000tt au denier 5 par des billets renouvelables de 3 mois en trois mois. Nous metrons tout le reste en actions. Ainsi voylà nos affaires arrangées.
Je n'ay point à écrire à Mr de Genes. C'est monsieur votre frère qui doit avertir monsieur Clement ou tel autre fondé de procuration, que l'échéance est arrivée, et si on ne paye point, je ne connois qu'un exploit en ce cas pour toute lettre. Mr de Genes est fermier général de Bretagne. S'il ne paye pas, c'est une très mauvaise volonté, à quoy la justice est le seul remède. En un mot c'est à un huissier à faire tous les compliments dans cette affaire, et je vous suplie de ne pas épargner cette politesse. Un petit mot de lettre à mr Dauneuil ne coûte que quatre sous pour un savoyard, et ne gâtera rien. Si mr de Barassi ne me rend pas mes 2000tt dont il s'est emparé fort mal àpropos, je me flate que mr le lieutenant civil me les fera rendre. Il ne faut pas assurément Le ménager.
Pour mr Tanevot, je prie mr votre frère de luy écrire encore, et de luy dire que je suis malade. S'il ne fait point de réponse il faudra s'adresser au premier comis de Mr de st Florentin dontj'ignore le nom. Mais pour moy, je vous prie de me dispenser d'écrire. Je n'aime pas à demander, à moins que ce ne soit pour d'autres.
Vraiment vous m'avez fait une belle tracasserie avec le sr Medina. Ah mon cher abbé ne montrez donc point mes lettres. Je veux bien obliger ce Medina, je veux bien aussi ne point perdre l'argent que je luy prête. Mais je ne voulois pas qu'il fût instruit de la défiance très raisonable que j'ay du payement. J'avois grande raison de demander une signature d'homme solvable, mais aussi je voulois et je devois luy épargner La mortification d'un refus qui luy fait sentir que l'état où il est est trop connu. C'est un homme oberré que je voulois servir avec un peu de prudence, sans luy marquer que je suis instruit du mauvais état de ses affaires.
Si vous pouvez racomoder ce petit mal là vous me ferez plaisir. Sinon, je m'en console aisément.
Je seray bien aise de savoir si en effet il y a un Roussau cordonier rue de la Harpe.
J'attends la décision du second cas, et vous remercie de la décision du premier. Peu importe que l'homme en question soit ou calviniste ou janséniste ou juif ou musulman, ou payen etc. Ce qui importe c'est de savoir si ses biens ayant été confisquez par justice, ses rentes viagères y sont comprises, et si ses billets antérieurs à cette confiscation sont valables au profit de ses créanciers. A en juger par les pauvres lumières de la raison, cela doit être ainsi, et qu'on ait confisqué par exemple le bien de mr de Bonneval le musulman en 1730, je ne dois pas moins être payé de ce qu'il me devoit en 1729, car ce qu'il me devoit étoit mon bien non le sien. Mais ce bien étoit une rente de mr de Bonneval, non échue alors, et confisquée depuis. La justice en ce cas n'est elle pas contraire à la raison? Voylà ce que je demande à votre raison très juste.
Je suplie mr votre frère de me dire s'il connoit le sr Parfait, quel homme c'est, et si c'est luy qui a imprimé le livre en question.