J'ay reçu monsieur avec bien du plaisir deux lettres de vous.
La dernière est du 18. Mais je suis extrêmement en peine de celles que j'ay eu l'honeur de vous écrire. Mr Dubreuil m'avoit indiqué la voye de Treves, et je m'en suis servi. J'ay adressé la plus part de mes lettres selon ses ordres, à mr Pidol mtre des postes de Treves. Il y en a qui me sont d'une très grande conséquence, et entre autres un paquet au prince royal de Prusse dont je suis très inquiet.
Je vous prie Mr de vouloir bien engager mr Dubreuil à demander à ce mr Pidol des nouvelles de plusieurs paquets adressez à ce Pidol à Treves, par Excellmans Dartigni négociant de Bar le duc.
Si les srs Ledet se sont servis de la permission que vous leur aviez donnée de vous adresser pour moy des paquets, que vous deviez faire tenir à Mr du Faÿ, je vous donne avis que Mr du Faÿ part incessamment pour Londres. J’écris par cette poste aux srs Ledet et des Bordes pour leur faire savoir qu'il faut envoyer ces paquets à mr le marquis d'Entragues rue du Bacq à Paris lesquels il fera tenir à leur destination. Et si ces paquets étoient déjà chez vous, je vous suplie Mr de vouloir bien les faire partir pour l'adresse de mr d'Entragues.
Je suis très fâché que mon traducteur se mette du nombre des assassins de Cesar. Amsterdam étoit la ville où cette tragédie devoit revivre avec la liberté.
Si vous venez en France, croyez moy monsieur exécutez votre projet de venir à Cirey. Vous y trouverez plus d'une personne qui vous y désire et qui vous estime. La dame du châtau vous en prie. Comptez qu'elle est au nombre des raretez qui méritent un voiage. Vous trouverez de la philosophie et des grâces, excellente chère, liberté entière, des livres, des gens qui pensent, et enfin de l'amitié. Vous pouvez très aisément prendre le chemin de Bar le duc. De Bar le duc vous allez à la poste d'Eurville. Les chevaux d'Eurville vous mènent à Cirey, au surplus on vous enverra des chevaux et des guides jusqu’à huit ou dix lieues de Cirey ou quelque endroit que vous l'ordoniez.
Avez vous vu l’étrange extrait qu'un certain jesuitte a donné dans ce malheureux journal de Trevoux, de la Teodicée? C'est un chef d’œuvre d'absurdité et d'insolence, mais qui ne doit point surprendre, ces gens là veulent être tirans de la république des lettres. Mais il n'y a rien de si pauvre que des tirans sans pouvoir et sans raison.
Je me recomande à vos bontez Monsieur auprès de mr Dubreuil et je vous attends réellement au châtau de Cirey.
Mille compliments à Mr Tronchin.
. . . Dartigni à Bar le duc
Point d'autre adresse
ce 29 mars [1737]