Votre ministère à l'égard de Cirey, benefactor in utroque juré, est le même que celuy des protecteurs des couronnes à Rome.
Vous veillez sur ce petit coin de terre, vous en détournez les orages, vous êtes une bien aimable créature. Vous sentez tout ce que je vous dois, car votre cœur entend le mien, et vous avez mesuré vos bontez à mes sentiments. Ecoutez, nous sommes dans les horreurs de Neuton, mais L'enfant prodigue n'est pas oublié. Mandez moi vos avis, c'est à dire vos ordres définitivement. Faut il le laisser reposer, et le reprendre à pâques? Très volontiers. En ce cas nous attendrons à pâques à le faire imprimer. Mais gare l'amy Minet et les comédiens de campagne qui en ont dit on des copies. Si vous voulez suivre le train ordinaire et qu'on imprime àprésent, renvoyez nous la copie que vous avez, avec annotations. Il y a dans cette copie nouvelle du bon en petite quantité qu'il faut conserver. Je croi la tournure des premiers actes meilleure de cette seconde cuvée. Je demande toujours un passeport pour monsieur le président, car mr le sénéchal, me paroit si provincial et si anticaille que je ne peux m'y faire. Si vous avez quelque chose à me mander librement vous savez le moyen, vous avez l'adresse. Aureste je vous avertis que quand vous voudrez avoir une tragédie il faudra faire vos suplications à la divinité neutonienne qui à la vérité soufre les vers, mais qui aime passionnément la règle de Kepler et qui fait plus de cas d'une vérité que de Sophocles et d'Euripide.
Qu'avez vous ordoné du sort de ce petit écrit sur les trois infâmes épîtres de mon ennemy? Vous sentez qu'on obtient aisément d'imprimer contre moy, mais quiconque prend ma défense est sûr d'un refus. Envérité méritoi-je d'être ainsi traité dans ma patrie? Votre amitié et Cirey me soutiennent. Mille tendres compliments à mr votre frère. Voulez vous bien faire souvenir de moy melle Dubouchet.
V.
ce 1er Xbre [1736]
Vous croyez bien que me Duch. vous dit toutes les choses tendres que vous méritez.