[February 1743]
Je suis très flatté, je vous assure, Mon cher monsieur, de recevoir quelques uns de vos ordres.
Mais je crains bien de ne pouvoir les exécuter. Mr Fawkener mon amy n'est point à Alexandrie mais à Constantinople, dont il doit partir incessamment. Il est vray qu'il a du goust pour L'anticaille, mais ce n'est ny pour alun, borax, terre sigillée ou plante marine. Son goust se renferme dans les médailles grecques et dans les vieux autheurs, de sorte qu'excepté les draps et les soyes où il s'entend parfaittement bien, je ne luy connois d'autre intelligence que celle d'Horace et de Virgile, et des vieilles monoyes du temps d'Alexandre. Cependant Mr s'il luy tombe entre les mains quelque coquille de colimasson turc, quelques morceaux de soufre du lac de Sodome, quelque araignée ou crapau volant du levant ou autres utilitez semblables, sans omettre de vieux morceaux de marbre ou de terre, je vais le prier de les aporter avec luy à Paris où je compte le voir à son retour de Constantinople. Il se fera un plaisir de vous les aporter luy même. Je luy envoieray donc dès demain votre mémoire. Si j'avois une copie de Titon et de l'Aurore, je l'y joindrois, bien sûr qu'il s'empresseroit bien plus pour l'auteur de cet aimable ouvrage que pour tous les princes du monde, car il est homme d'esprit et anglois.
Je suis de tout mon cœur monsieur avec la plus sincère estime,
Votre très humble et obéiss. serviteur
Voltaire