[c. January 1741]
Eh bien mon cher confrère, je ferai donc venir ce manuscrit de L'enfant prodigue, qui est entre les mains des comédiens de Paris; il est fort différent de L'imprimé.
Le moindre des changements est celuy que mes amis furent obligez d'y faire à la hâte du président en sénéchal. La police ne voulut jamais permettre qu'on osast mettre sur le téâtre un président. On n'étoit pas si difficile du temps de Perrin Dandin. En Angleterre j'ay vu sur la scène un cardinal qui meurt en atée.
Quant à la situation de la fin je m'en raporte bien à vous. Vous connaissez mieux le téâtre que moy.
[Croiriés] vous bien que je n'ay j[a]mais vu jouer ny [même] répéter l'enfant prodigue? Les effets du téâtre ne se devinent point dans le [ca]binet, mais je ne suis point tenté de quitter mon cabinet pour aller voir la décadence de la comédie de Paris. Je ne veux y aller que quand vous ranimerez les très languissantes muses de ce pays là; poésie, déclamation, tout y périt. Si nous pouvions, en attendant, faire un petit tour à Lile, je vous donnerais Mérope en cas que vous eussiez du loisir, mais en vérité il n'y a pas moyen de travestir melle Gautier en reine douairière. Elle ne doit embellir que les rolles des jeunes princesses. Je reprends de temps en temps mon coquin de profète en sousœuvre. Tous les Mahomets sont nez pour vous avoir obligation. Bonsoir mon cher confrère, mille compliments je vous en prie à mes Gautier.
V.