1759-08-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Robert Tronchin.

Mon cher correspondant j'avais donné trois lettres de 1000lt chacune sur Laleu.
Voylà ce qui a fait mon erreur. Vous avez compté une fois 10, et une fois 20. Cela revient toujours à trois fois dix. Je ne laisse pas de vous fournir quelque argent depuis quinze jours, mais laissez faire. Si vous en êtes quitte cette année pour 80 m.H je serai bien étonné.

Mon petit téâtre de polichinelle ne sera pas cher. Monsieur le conseiller se moque de moy. Il veut réduire mes acteurs à deux pieds et demi de haut comme les diables de Milton qui se font pigmées. Il faut pour sa peine qu'il vienne nous voir jouer Mérope.

J'ay fait la pièce tout seul, je feray bien le téâtre tout seul. Ce n'est pas ma faute si le généreux président de Brosse n'a pas une gallerie plus longue et plus large.

Nota bene.

Mademoiselle Destouches a dans son magazin des branches de verdure, des guirlandes pour les ballets. Voylà ce qui nous faut. Son décorateur en peut faire cent par jour, et j'en demande une charettée. Avec ce secours, je suis fort, et mon téâtre est très agréable. Un mot de mr Camp à melle Destouches fera l'affaire. Je me charge de tout le reste. Tout autre party serait trop long, et la vie est courte.

Je reviens aux affaires. Il y aura force lettres tirées de moy sur mr Tronchin, une au pd de Ruffey pour 399 ou à peu près,

une à Mr Fabri pour les lods et ventes de Fernex, 1800lt,

plus je prendray force florins chez mr Cathala.

Mille tendres amitiez à toutte la maison, et mille remerciments en particulier à mr Camp.

t. h. ob. s.

V.