1736-08-31, de Voltaire [François Marie Arouet] à Bonaventure Moussinot.

J'ay oublié mon cher amy parmy tous les plaisirs que je vous ay demandez, celuy de me faire savoir quel est le sujet du prix proposé cette année par L'Académie des sciences.
Je m'adresse à vous de peur que si j’écrivois à quelque académicien on ne pensast que je veux composer pour les prix. C'est une chose qui ne convient ny à mon âge, ny à mon peu d’érudition. Je suis chargé de savoir quel est le sujet du prix, par un amy qui demande un secret inviolable. Je ne connois point d'homme plus secret que vous. Ainsi ce sera vous s'il vous plait qui nous rendrez ce service. Vous serez informé de la chose à l'imprimerie roiale. Il y a je croi des programmes imprimez qu'on vous donnera. Le portier de l'Académie des sciences pourait aussi faire votre affaire. Nouvelle importunité, mais nouvelle grâce qu'il faut que vous me fassiez.

Passez je vous prie chez Demoulin. Vous pourez prendre l'ocasion du billet de mr de Bellemare payable en septembre. Sachez s'il est vray que ce petit Lamare que j'ai acablé de bontez, se déchaine aussi contre moy. Parlez à Demoulin avec bonté. Il doit bien rougir de son procédé avec moy. Il m'emporte vingt mille francs, et veut me déshonorer, et pour comble il faut encore l'apaiser, car en perdant vingt mille francs, il ne faut pas aquérir un ennemi.

Envoyez moy donc vite mon portrait. Adieu mon très cher abbé, je vous embrasse, en vous demandant bien pardon.