1736-08-30, de Voltaire [François Marie Arouet] à Léopold Philippe Charles, prince d'Arenberg.

Monseigneur, je n'ai pas voulu jusqu'à présent vous importuner de mes plaintes, contre un homme que vous honorez de votre protection; mais enfin l'insolence qu'il a d'abuser de votre nom même pour m'inquiéter, me force à vous demander justice.
Il imprime, dans une lettre qu'il a fait insérer dans le journal de la Bibliothèque française, page 151, année 1736, que vous lui avez͞ dit qu'à Marimont je vous avais parlé de lui dans les termes les plus indignes et les plus révoltants. Il fait, de cette prétendue conversation avec vous le sujet de tous ses déchaînements; cependant vous savez, monseigneur, si jamais je vous ai dit de cet homme rien qui pût l'outrager: je respectais trop l'asile que vous lui donnez. Jugez de son caractère par cette calomnie et par la manière dont il vous commet. Il fait imprimer encore, dans le même libelle, que m. le comte de Laney se plaignit publiquement que je n'avais pas entendu la messe dévotement dans l'église des Sablons. Vous sentez, monseigneur, ce que c'est qu'un tel reproche dans la bouche de Rousseau. Je ne vous parle point des calomnies atroces dont il me charge, je ne vous parle que de celles où il ose se servir de votre nom contre moi. Je demanderai justice au tribunal de Bruxelles des unes, et je vous la demande des autres. Quand je vous serais inconnu, je ne prendrais pas moins la liberté de vous adresser mes plaintes; je suis persuadé que vous châtierez l'insolence d'un domestique qui compromet son maître par un mensonge, dont son maître peut si aisément le convaincre.

Je suis avec respect, monseigneur, de votre altesse, le très humble et très obéissant serviteur,

Voltaire