A Cirey ce 5 aoust [1736]

Je ne sçai Madame ce qui m'a le plus flatté ou votre prose aimable, ou les vers de Mr de S^t Lambert.
J'avois déjà vu des choses bien agréables de sa façon entre les mains de Mr Damenzague. Ses vers ont réveillé ma muse assoupie. Je ne travaillois à Cirey que pour les Varinges; les grâces sont venues me tirer du labirinte épineux de la philosophie. Elles se sont servies de vous Madame et de Mr de S^t Lambert pour me rendre à mon premier goust. Je compte toujours venir à Lunéville, c'est à dire à votre cour, à celle de Duval, de Varringe, vers la fin de l'automne. Mais en attendant j’écris à notre philosophe Varinge. Mr Damensague est-il encor à Lunéville? Le trouverai je au mois de septembre? Je vous avoue qu'il n'y a guère de philosophe que je ne quittasse pour luy. La société est le premier plaisir des hommes. Mr Damensague vaut par là mieux que les Neutons. S'il veut faire tenir à Bruxelles cette petite ode cy jointe il me fera plaisir. Je n'ose le demander mais tout ce que je souhaite c'est que l'ode vous amuse. Permettez que j'adresse ce petit remerciment à votre aimable poète. Oserai je vous suplier Madame de faire souvenir de moy vos amis? Je vous suis dévoué avec bien du respect.

V.