De la chambre des Bains ce 8 mars [1736]
Je vous écris, monsieur, au nom de deux personnes bien fâchées.
On mande à mr de Voltaire qu'on va lui envoyer le Jules César, et que la lettre italienne n'y est pas. Mr de la Marre n'a pas daigné l'informer plus tôt de cette circonstance, et il avait cependant mandé expressément que sans cette condition il ne voulait pas qu'il fût imprimé. Il craint que ce ne soit vous qui vous soyez repenti de l'honneur que vous lui aviez fait, et que vous n'en ayez empêché l'impression. Il est certain qu'on ne pouvait lui faire un plus grand tort, que de le priver de recevoir une marque publique de votre amitié et de votre estime; et il le sent bien vivement. Il vous ferait des plaintes bien plus tendres et bien plus pathétiques que moi, s'il n'était pas malade: mais vous connaissez sa malheureuse santé; elle a toujours été bien languissante depuis votre départ. On lui a mandé que vous étiez enrhumé: ce serait un vrai temps pour m'écrire. En vérité je pourrais me plaindre de vous bien sérieusement. On peut avoir des négligences dans le commerce, mais il n'est pas permis d'en avoir dans les choses essentielles; et assurément celle que je vous ai confiée, est de ce nombre. Renvoyez la moi au plus tôt; vous savez que je ne puis la recevoir en des circonstances plus favorables. Adieu, monsieur; je vous aime malgré tous vos torts; et vous pouvez compter que vous parcourerez bien des pays avant que de trouver un coin du monde où l'on vous aime et où l'on vous désire plus qu'à Cirey.
Nous avons une consolation; c'est que la lettre sera imprimée en Hollande, quelque chose qui ait pû l'empêcher à Paris.