1736-02-22, de Voltaire [François Marie Arouet] à Nicolas Claude Thieriot.

Je suis bien languissant mon cher amy.
Il faut que j'ordonne à mon cœur de n’être point bavard avec vous cette poste cy.

Ma santé ne m'a pas permis de retoucher La dédicace et le discours que je vous adresse, mais je persiste pour de très bonnes raisons à faire paraître ces deux pièces, attendu que j'aime la vérité, et que je ne crains point mes ennemis.

Toutte peine mérite salaire. Launay a aquis mon mépris et mon indignation par l'infâme conduite qu'il a tenue avec moy, mais il luy faut un présent pour avoir lu Alzire aux comédiens. Ce n'est pas à luy, mais à moy que je le donne.

J'ay songé à faire une autre galanterie à Berger.

Qu'esce qu'Alzirette à la foire? On dit qu'elle est de Lefranc. Je le voudrois.

Voicy un paquet pour mr Descloires s'il n'est pas encor parti pour Constantinople. S'il l'est, vous aurez la bonté de l'envoyer par la poste par la voye de Marseille.

Je suis bien surpris de ne pas recevoir des nouvelles de mr votre frère. C'est la première fois qu'un débiteur s'est plaint de n'entendre pas parler de son créancier.

Ménagez moy toujours des juges et des amis comme Pollion et le petit B.

Vous avez sans doute montré Les deux discours aux deux respectables frères à qui j'ay tant d'obligation.

Vous avez deu recevoir de la main d'Emilie une lettre qui vous dédommagera de tous ces petits articles laconiques de ce billet cy.

Adieu. Dans l’état de langueur où je suis je crains bien d'aimer trop la vie. Je vous embrasse tendrement.

V.