1736-02-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à — Berger.

Ma santé, qui est devenue déplorable, ne me permet guère, mon cher monsieur, d'entrer avec vous dans de grands détails au sujet de mr le Franc que je n'ai jamais offensé. Il peut, tant qu'il voudra, travailler contre moi & joindre quelques brochures contre un homme qu'il ne connaît pas. Cela ne me fait rien. Sa haine m'est aussi indifférente que votre amitié m'est chère. S'il me hait, il est assez puni par le succès d'Alzire. A lui permis de se venger en tâchant de la décrier.

Quant à l'argent que me devait ce pauvre mr de la Clede, je trouve dans mes papiers (car je suis homme d'ordre, quoique poète) que je lui avais prêté par billet trois cents livres que le libraire le Gras m'a rendus, & le lendemain je lui prêtai cinquante écus sans billet. Si vous pouviez en effet faire payer ces cinquante écus, je prendrais la liberté de vous supplier très instamment d'en acheter une petite bague d'antique & de prier mr Berger de vouloir bien la porter au doigt pour l'amour de mr de la Clede & pour le mien. Ce mr Berger est un homme que j'aime & que j'estime infiniment & je vous aurais bien de l'obligation si vous l'engagiez à me faire cette galanterie. C'est un des meilleurs juges que nous ayons en fait de beaux arts.

Qu'est devenue la mascarade de Servandoni? On dit qu'Alzirette est de le Franc. Je suis trop languissant pour vous en dire davantage.