ce 7 janv. 1736
Vous avés La bonté de m’écrire, divine Emilie, et vous voulés bien servir de secrétaire à mon cher Volt.
Que je serois heureux si je devois cette grâce à toute autre cause qu’à sa maladie.
J'imagine qu'auprès de vous, Madame, on a bien plus d'une chose dans la teste. Si les grâces de vostre Esprit excitent à causer avec vous, à s'instruire, et à en profiter, Les grâces de vostre figure doivent bien plus encor inspirer l'envie de vous plaire; Le sentiment l'emporte toujours sur la spéculation et je sens qu'il me paroitroit plus doux d'estre heureux en vous adorant que de travailler à devenir célèbre dans la postérité.
Vous faites bien de l'honneur à l'auteur de Chloé et de la Reine des Songes de souhaiter son acte d'Anacreon. J'ay été malade à la Campagne, qui est le seul endroit où j'aye le loisir de travailler à ces riens qui deviennent pour moy de grande Conséquence puisqu'ils peuvent vous amuser. Je suis de retour dans La ville ou les occupations et les distractions écartent de moy toute idée d'ouvrage. La Besongne est commencée et remise à un autre temps. Si vous voulés m'entretenir dans le goust des choses agréables, daignés donc quelque fois m’écrire; dites mille choses tendres pour moy à nostre illustre amy. Celles que vous me dites pour luy, en ont une saveur nouvelle et j'ay besoin que Les sentimens que j'ay pour luy reçoivent L'agrément que vous donnés à tout ce que vous dites. Vous este mesdames La source de toute perfection.