1746-02-25, de Charles Marie de La Condamine à Voltaire [François Marie Arouet].
Hélas qu'est devenu ce tems
Où, tracés d'une main pressée
Sur une carte ramassée,
Trois mots tendres, vifs, élégants
Et brillant à force de sens
Me peignoient toute ta pensée
Mieux que subtils raisonements
De métaphysique entassée
Suivis de fades compliments
Dans une épître compassée.
Mais alte là, muse insensée,
Si Phebus à ta voix forcée
Sourit à peine en ton Printems,
Di moy de grâce: aprés dix ans
D'une parenthèse à la vie,
Te flates tu que tes accents
Ayent acquis plus d'harmonie?

Je voulois vous dire, mon cher Voltaire, eh quel autre nom pourrois je substituer au vôtre? je voulois vous dire tout simplement que vous ne me répondiés que sur une carte pour ménager vos moments, et vous prier de gratifier en ma place de quelques lignes de votre Prose L'autheur du quatrain cy joint qui est notre ami m. Potin, Comr de la Marine à Rotterdam, que vous aviés mis sur votre liste pour votre Poème de Fontenoy et que vous avés oublié. Voicy donc le quatrain qu'il me vient d'envoyer, je vous l'envoye de sa main. Je n'ay pas le tems de lire les pièces des prix dont je suis commissaire; mais je trouveray celui d'aller achever la lecture de votre avant propos au coin de votre feu si vous le trouvés bon.

L. C.

Si vous voulés m'envoyer votre réponse pour metre dans ma letre je ne pourrai faire un remerciment plus agréable à notre homme qui a pris beaucoup de peine pour me faire plaisir. Cependant faites le tout à votre loisir.