1753-08-15, de Sébastien Dupont à Voltaire [François Marie Arouet].
Toi qui surpasses les écrits
D'Aristophane et d'Euripide,
Qui montres à nos yeux surpris
Sophocle, Homere et Thucidide,
Et qui sçüs arracher le prix
Des mains D'Archiméde et d'Euclide,
Etonnement des nations,
Vaste, mais sublime génie
Dont les brillantes fictions
Avec l'aide de l'harmonie
Iront servir d'Instructions
A la postérité ravie!
O Mortel justement vanté,
Voltaire que mon cœur adore,
Et que mon esprit enchanté
Admire cent fois plus encore,
Sur l'aile de la liberté,
Vôle vers la muse de Seine
Qui t'allaita déz ton berceau,
Ranime ta féconde veine,
Reviens dans la source du beau
Enrichir ta tragique Seine
De quelque chef d'œuvre nouveau,
Prends les craïons de Melpoméne
Et reproduis quelque tableau,
Saisi le compas et la lyre
Et qu'une active oisiveté
Te permette toujours d'écrire
Pour la publique utilité;
Tu peux chanter, penser et rire:
Souttiens ton nom sans te gêner,
Tu sçais dans un sçavant délire
Instruire, plaire et badiner
Les grâces ont dû te le dire.
Chez toi la noble vérité
Et l'amour de l'humanité
Se font sentir à chaque page.
Oüi la juste postérité
Ne voudra que ce témoignage
Pour confondre l'iniquité
Qui vomit contre toi sa rage.
Puisse l'aimable volupté
Sur les Epines de ta vie
Jetter cette fleur de santé
Que le chagrin t'avoit ravie:
Fui le faste et l'éclat des Cours
Dont se repaît une âme vaine,
Reçois comme un divin secours
L'Evénement qui rompt ta chaîne.
Reviens joüir de tes amis
En méprisant la calomnie,
Les faux dévots, tes ennemis,
L'ignorance et la tÿrannie.
Platon à la Cour de Denys
Bailloit plus qu'à l'académie.

Un homme obscur et par conséquent qui vous est inconnû vous adresse cette bagatelle: c'est un stérile hommage qu'il vous rend. Ne le dédaignez pas puisqu'il est sincère: les vers sont mauvais, comment ne point en convenir, puisque c'est le cœur seul qui les a dictés, et le bel esprit n'ÿ a aucunne part.

Je suis avec des sentimens d'admiration, d'amour et de respect.