1776-05-20, de Voltaire [François Marie Arouet] à Lazzaro Spallanzani.

Monsieur,

Ringratio V: S: Illustrissima per il bel’ regalo del quale io sono veramente indegno.
Ma main que quatre vingt deux ans font un peu trembler, ne peut écrire, et mes yeux qui ont quatre vingt deux ans aussi peuvent lire à peine.

Cependant, j'ai lu avec bien du plaisir le livre utile dans lequel vous m'instruisez. Vous donnez le dernier coup, Monsieur, aux anguilles du jesuite Need'ham. Elles ont beau frétiller, elles sont mortes, et Mr Bonnet ne les ressuscitera pas dans sa Palingénésie. Des animaux nés sans germe ne pouvaient pas vivre longtems. Ce sera vôtre livre qui vivra, parce qu'il est fondé sur l'expérience et sur la raison.

Il faut rire des anciennes charlataneries et des nouvelles, et de tous les romanciers che si fanno eguali à Dio e creano un mundo colla parola.

Si je ne craignais d'abuser de vôtre tems, je vous demanderais quelques nouvelles des limassons. Je croiais avoir coupé des têtes à quelques uns de ces animaux, et que ces têtes étaient revenues. Des gens plus adroits que moi, m'ont assuré que je n'avais coupé que des visages, dont la peau seule avait été reproduite. C'est toujours beaucoup qu'un visage renaisse. Taliacotius ne reproduisait que des nez.

Je m'en raporte à vous, Monsieur, sur tous les animaux, grands et petits, sur toute la nature, et sur les systêmes.

J'ai l'honneur d'être avec l'estime la plus respectueuse et bien de la reconnaissance

Monsieur

Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire gentilhomme ord. du Roy t. c.