1735-09-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à Pierre François Guyot Desfontaines.

 . . . Je m'amusai il y a quelques années à faire une tragédie en trois actes de la mort de Jules Cesar.
C'est une pièce d'un caractère tout opposé au goût de notre nation. Il n'y a point de femme dans cette pièce, il n'est question que de l'amour de la patrie; d'ailleurs elle est aussi singulière par l'arrangement théâtral que par les sentiments. En un mot elle n'est point faite pour le public. Je l'avais confiée il y a deux ans à mrs de . . . . qui la représentèrent et qui eurent la fidélité de n'en garder aucune copie. J'ai eu en dernier lieu la même confiance dans mr l'abbé Asselin, proviseur d'Harcourt, que j'aime et que j'estime; mais il n'a pu malgré ses soins, empêcher que quelqu'un de son collège n'en ait tiré une copie. Voilà la tragédie aujourd'hui imprimée, à ce que j'apprends, pleine de fautes, de transpositions et d'omissions considérables. On dit même que le professeur de rhétorique d'Harcourt qui était chargé de la représentation y a changé plusieurs vers; ce n'est plus mon ouvrage. Je sens bien cependant qu'on me jugera comme si j’étais l’éditeur et que la calomnie se joindra à la critique. Tout ce que je demande c'est que l'on sache que cette pièce n'est point imprimée telle que je l'ai faite et que je suis bien loin d'avoir la moindre part à cette édition. Je vous prie d'en dire deux mots dans l'occasion &c.