[c. 5 June 1734]
Monsieur,
C'est moy même qui ay fait découvrir, comme le vous savez, l'édition qu'un nommé René Josse, libraire sur le pont Notre Dame, faisoit des lettres philosophiques.
Vous devez en être convaincu par les lettres qui vous sont tombées entre les mains.
Je vous ay fait remettre aussi toutes les instructions nécessaires pour les recherches de l'édition qu'on a débitée, et de mon côté j'ay fait promettre cinq cent livres de récompense à celuy qui découvriroit l'éditeur. Il est certain que depuis deux ans je fais humainement ce qui est en moy pour suprimer ce livre.
Je suis bien malheureux qu'on ait pu m'accuser si cruellement auprès des ministres d'être moy même l'auteur de l'édition que j'ay fait saisir.
On a fait chez moy une visite qui n'a abouti qu'à ouvrir une armoire, la seule qui ait jamais été fermée chez moy, et dans la quelle on n'a trouvé que les papiers concernant mes affaires. Malheureusement, il s'en est trouvé de perdus, et cette cruelle affaire me coûtera peutêtre une partie de mon bien.
Je me croiray trop heureux, et je croiray avoir baucoup gagné si vous daignez, monsieur, assurer monsieur le cardinal et m. le garde des sceaux de mon innocence, qui me paroit démontrée au sujet de ces éditions. C'est une grâce que j'ose attendre de votre équité et de votre bonté et dont je vous auray toute ma vie une obligation bien sensible.
Je suis avec respect
Monsieur
Votre très humble, et très obéissant serviteur
Voltaire