Les choses obligentes que vous dites monsieur, flatent trop pour estre jamais oubliées.
Je me ressouviens aussi avec une reconoissance extrême de tout ce que ma sœur m'a dit l’été passé de votre part, et vous allez voir combien je compte sur la prévention favorable dont elle m'a assuré que vous m'honoriez, puisque je vais vous recommender l'home du monde pour qui je m'intéresse le plus depuis long tems, et à qui je viens d'avoir l'obligation de mon mariage qui assure le bonheur de ma vie. C'est le malheureux Voltaire qui est icy désespéré de la crainte de vous avoir déplu. On luy mende que vous le soupçonéz d'avoir eu part à la publication de ces lettres angloises. Je puis vous répondre monsieur de son inocence sur cette article, et qu'il n'a rien épargné depuis un an pour empêcher qu'elles ne devinssent publiques. Je le sçay par moy même, aïnsi que son attachement respectueux pour vous, et qu'il regarderoit come le plus grand malheur de sa vie que vous en doutassiez. Daignez donc monsieur luy accorder des bontez que ces sentiments pourvous méritent, et dont mon amitié pour luy doit vous répondre ainsi que de ma reconoissance. Je seray charmée à mon arivée dans le monde d'avoir cette marque que je puis compter sur votre amitié. Vous ne pouvez m'en donner une plus sensible et je la mérite par les sentiments avec lesquels j'ay l'honneur d'estre très parfaitement monsieur votre très humble et très obéissante servante
Eli. de Lorraine Dche de Richelieu
à Monjeu ce 29 avril 1734