1733-12-15, de Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise Du Châtelet-Lomont à Jacques François Paul Aldonce de Sade.

Malgré les princesses et les pompons je pense sérieusement sur la fortune de mes amis . . . .
Je me livre au monde sans l'aimer beaucoup. Des enchainements insensibles font passez les jours entiers sans souvent que l'on aperçoive que l'on a vécu . . . . Puisque m. de Voltaire vous a fait ma confidence d'anglais je vous avouerai que cela m'a extrêmement occupée et amusée . . . . Je suis charmée qu'Adélaïde vous plaise. Elle m'a touchée. Je la trouve tendre, noble, touchante, bien écrite et surtout un cinquième acte charmant. Elle ne sera pas jouée si tôt, la pauvre petite Dufresne se meurt. Elle a renvoyé son rôle. V. en est fort affligé et il a raison. Elle était très capable de faire valoir son rôle et la petite Gossein le jouerait pitoyablement. Pour moi je suis d'avis qu'il attende la guérison de mdlle Dufresne. Il y a trois semaines qu'il est malade lui même et qu'il n'a pas sorti. Mais il n'en a pas l'imagination moins vive et moins brillante, il n'en a pas moins fait deux opéras, dont il en a donné un à Rameau, qui sera joué avant qu'il soit 6 mois. On vous aura sùrement mandé ce que c'est que Rameau et les différentes opinions qui divisent le public sur sa musique. Les uns la trouvent divine et au dessus de Lully, les autres la trouvent fort travaillée, mais point agréable et point diversifiée. Je suis je l'avoue des derniers. J'aime cent fois mieux Issé que l'on joue à présent et où mdlle le Maure se surpasse . . . &c.