26 août [6 September n. s.] 1742
… Voltaire m'a récité l'année passée à Bruxelles plusieurs tirades de son Mahomet, où j'ai trouvé de très beaux vers, et quelques pensées plus brillantes que justes; mais j'ai d'abord vu qu'il en voulait à Jesus-Christ, sous le caractère de Mahomet, et j'étais surpris qu'on ne s'en fût pas aperçu à Lille, où elle fut représentée immédiatement avant que j'y passasse.
Même je trouvai à Lille un bon catholique, dont le zèle surpassait la pénétration, qui était extrêmement édifié de la manière dont cet imposteur et ennemi du Christianisme était dépeint.
Pour les scènes décousues, et les morceaux déplacés, si vous n'en voulez pas, vous ne voulez pas de Voltaire. Avec lui, il n'est pas question de son sujet, mais des pensées hardies, brillantes et singulières qu'il veut donner au public, n'importe où ni comment.
Passe encore pour cela; il n'est pas le premier auteur qu'une imagination vive ait enlevé au-dessus de la raison et de la justesse; mais ce que je ne lui pardonne pas, et qui n'est pas pardonnable, c'est tous les mouvements qu'il se donne pour la propagation d'une doctrine aussi pernicieuse à la société civile que contraire à la religion générale de tous les pays.
Je doute fort s'il est permis à un homme d'écrire contre le culte et la croyance de son pays, quand même il serait de bonne foi persuadé qu'il y eût des erreurs, à cause du trouble et du désordre qu'il y pourrait causer; mais je suis bien sûr qu'il n'est nullement permis d'attaquer les fondements de la morale, et de rompre des liens si nécessaires, et déjà trop faibles pour retenir les hommes dans le devoir….