ce mercredy [10 juin 1733] à deux heures
Voylà deux lettres que je reçois de vous, mon cher amy.
Que je voudrois que les lettres anglaises fussent écrittes de ce stile! Vous croiez que votre cœur parle seul, et vous ne vous apercevez pas combien votre cœur a d'esprit. J'interromps le quatrième acte de mon opera pour m'entretenir un moment avec vous. Je vais corriger la lettre, sur Loke, et la renvoyer dans l'instant.
Recomandez luy surtout plus que jamais le secret le plus impénétrable, et la plus vive diligence, que jamais votre nom ny le mien ne soient prononcez, en quelque cas que ce puisse être. Que touttes les feuilles soient portez ou chez vous ou chez l'amy Formont à qui je vous prie de dire combien je l'aime. Qu'on vous remette exactement les copies; que l'on ne garde chez luy aucun billet de moy, aucun mot de mon écriture. S'il manque à un seul de ces points essentiels, il courra un très grand risque.
Je vous suplie aussi de tirer de luy ce billet.
J'ay reçu de monsieur Sanderson le jeune deux mille cinq cent exemplaires des lettres anglaises de m' de V. à m r T. les quels exemplaires, je promets ne débiter, que quand j'auray permission, promettant de donner d'abord au s r Sanderson cent de ces exemplaires, et de partager ensuitte avec luy, le profit de la vente du reste, luy tenant compte de deux mille quatre cent exemplaires; et promets compter avec celuy qui me représentera le dit billet, le tenant suffisamment autorisé du s r Sanderson.
Vous voiez mon cher Cideville de quels soins et de quels embaras je vous charge. J'en serois bien honteux avec tout autre.
J'ai pris d'abord l'abbé Linant pour vous seul: et bientôt je l'aimeray pour luy même.
Je récitay hier Adelaide chez moy et je fis verser bien des larmes. Renvoiez moy Eriphile, et je vous enverray Adelaide. Mais à quand votre allégorie? J'en ay une grande opinion. Adieu. Il faut corriger pour J . . . .
V.