à Lyon ce 6e May 1732
. . . Il y a un an que mr de Voltaire m'envoya la dernière édition de sa Henriade, et depuis deux mois, il m'a encore envoyé son histoire de Charles XII.
Cet ouvrage m'a paru fort bien écrit: des portraits bien touchés, une narration vive et rapide, et toutes les réflexions liées naturellement, et même fondues avec la narration. Avouez que son héros était d'un caractère bien extraordinaire; c'est le terme le plus doux, dont on puisse se servir, en parlant des sentimens, et de la conduite de ce héros Vandale. Prenez la peine Monsieur, de jetter les yeux sur cette endroit du livre 5, p.195, où l'auteur, après avoir dit, que le Roy de Suède, dans sa retraite de Bender, s'amusoit à lire les oeuvres de Corneille, de Racine, et de Despreaux, et qu'il ne prit nul goût aux satires de celui-ci, qui en effet ne sont pas ses meilleures Pièces, mais qu'il aimoit fort ses autres écrits;ajoûte: Quand il lut cette Epître au Roy de France Louis XIV. où l'Auteur traite Alexandre de fou, et d'enragé, il déchira le feuillet.Il faut convenir que ce trait est véritablement dans le caractère d'un Héros, qui avait pris Alexandre pour son modèle; mais Mr de Voltaire, qui a cité de mémoire l'endroit dont il s'agit, a pris l'Epître 1e de Boileau, pour la satire huitième dans laquelle, au vers 99 commence le passage qu'il a eu en vüe.
Je ne parle point d'une petite équivoque, qui se trouve dans ces mots: Quand il lût cette Epître au Roy de France Louis XIV, car il semble qu'il ait voulu dire, que le Roy de Suede, lut cette épître au Roy de France. Il falloit mettre, Quand il lut cette épître, adressée au Roy de France. Il est bien facile de racommoder tout cela, en disant, Quand il lut cette satire où l'auteur traite, &c.
Au reste il n'est pas étonnant que L'Alexandre du Nord, plus occupé de l'humiliation du Czar, & du Roy de Pologne, que de la critique de Chapelain et de Cotin, n'ait pris aucun goût aux satires de Boileau . . . .