1730-02-17, de Roberto José de La Cerda, conde de Villalonga à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Je vien de Reçevoir une lettre de vous, du 3me janvier, je ne puis deviner où elle peut estre Resté si longtemps. J'ẏ Répond aussitôt Monsieur, pour satisfaire en ce que je pouraẏ, à ce que vous désiré de moẏ. Je souhaite que vous Réussissié parfaitement dans le grand, et glorieux, ouvrage que vous entreprené, car l'on peut dire que si le ministère de ce prince avoit Répondu à ses sentiments, il auroit esté un Alexandre et un Cæsar tout ensemble, et il eût esté l'arbitre de L'Europe sans son ministre Piper, qui l'a trahẏ, et ses estats; pour les quatres cents milles escus que luẏ donna milor duc de Malbourouck pour le faire sortir de la Saxe, et L'entrainer à la poursuite des moscovites qu'il chassa devant luẏ comme un troupau de mouton, jusque dans les ligne de Poultawa, où ce prince eut le malheur de perdre toute ses troupes, et fut fort heureux de trouver un petit batau dans le quel il passa le Boristene et se Réfugia sur la domination des Tartares, avec environs 50 ou 60 personne qui passèrent comme ils purent, et il s'achemina, avec, sur la Route de Bender, et envoẏa un de ses officiers pour demander Refuge dans cette endroit, au grand seigneur, comme vous en est au fait, puisse que vous escrivé la vie de ce prince, ainsẏ vous en sçavés plus que moẏ, il est inutil que je vous en dise davantage. Vous avez à Paris m. Siere, colonel au service de Suede actuellement, le quel estoit Capitaine dans mon Régiment pour lors et il est assés au fait de ce qui s'est passée tant à Bender, Demiotache, Demotica, et Andrinople et Constantinople. Je vous conseil de le voire. M. de Remuzat, directeur général des mines et minières de France, poura vous détaillés aussẏ Bien des circonstance, et vous procurer des esclairsissements telles que vous pouré avoir besoin. Il loge à Paris Rue Genegau vis à vis l'hostel de Contẏ. Ce n'est pas fort éloigné de chés vous. Au surplus il vous fera faire conoissance avec m. de Marville qui estoit 1er capitaine de mon Régiment, et qui est à présent Capne dans le Régt de S: A: S. M. le duc de Bourbon, le quel poura escrire à M. le Comte de Villelongue Verneüil mon frère, ainé, qui poura luẏ envoẏer un manuscrit qu'un officier a fait de quelques avantures qui me sonts arrivé, du quel vous pouré tirer peut de chose, mais je vous prie de suprimer bien des pauvretés qu'il ẏ dit. Lors que vous l'auré Lût vous pouré Luẏ Remettre. Tout ce que je puis vous dire àprésent sur les articles que vous désiré je vais vous le détailler. Mais pour les dattes je ne m'en souvient point. Mr Remuzat vous les dira mieux que moẏ, et comme il me paroit que vous n'est pas au fait des causes qui onts fait attaquer le Roẏ à Bender je vais vous débroulier cela autent que je le pouraẏ:

Premièrement l'affaire du Proutte où les moscovites furent investẏ par les armes du grand seigneur, et où ils furent obligé de faire la paix la corde au col, fit couper la teste au grand Visir, je ne peut vous en instruire.

Pour ce qui Regarde le Roẏ de Suede, lors que j'arrivaẏ auprès de sa majesté à Bender, où j'eut l'honneur de Luẏ Rendre compte d'une partie des affaires dont M. de Fierville estoit Chargé de la part de la France; le quel ministre fut arresté par les ordre du Roẏ Auguste, électeur de Saxe; qui voulu l'emploẏer à son service, et le faire général dans ses troupes, pour qu'il n'aille point joindre ce prince, et pour en aprendre les veüe, et désirs de la France, au sujet de ce Roẏ glorieux Réfugié à Bender, mais il ne juga pas àpropos de manquer de foẏ à S. M. T. C. son Respectable maitre pour son intérests particulier au quel il préféra son honneur. Comme je voẏagoit avec luẏ pour joindre ce prince, je me sauvaẏ, et arrivaẏ sur les terres des Turcs, estant partẏ de Brezanẏ, conduit par des amis attachés aux intérests de s. M. le Roẏ Stanislaus de Pologne. Je ne vous dit pas leurs noms parce qu'il est inutil, d'autant plus que le Roẏ Auguste, électeur de Saxe, qui a usurpé la couronne, est àprésent en estat de leurs faire du mal s'il les connoissoit. J'arrivaẏ à Bender où je Rendẏ compte au Roẏ de ma comission, et Rendẏ sa Réponse à mr de Fierville le Herissẏ, par un chiffre que nous avions ensemble. Peut de tems après mon arrivé S. M. le Roẏ de Suede, à la solicitation de M. le comte de Potoskẏ, grand général de la couronne de Pologne, me fit l'honneur de m'envojer à Constantinople pour ẏ soliciter M. le marquis des Alleurs de s'intéresser à la cour de France pour en obtenir 3 ou 4 cents milles escus, pour soutenir les partisans de sa M le Roẏ Stanislaus, en Pologne. J'en escrivit mesme à M. le marquis de Torcẏ, mais tout fut inutil. Ces Mrs connoissoint l'avidité de ce général polonois, quẏ s'il avoit obtenu cette somme, l'auroit gardé pour luẏ, sans en aider ceux qui estoient de cœur, et d'âme portés pour le Roẏ son maitre. Je Revin de Constantinople, à Bender, où peut de temps après mr de Fierville arriva s'estant sauvé comme il avoit püe des mains de M. de Schiniawskẏ, grand général de la couronne pour le Roẏ Auguste. Pour lors il fit tout ce dont il estoit Chargé de la part de la France auprès du Roẏ de Suede, et comme Le prince avoit pris la Résolution de Repasser dans ses estats de Pomeranie, en prenant sa Route par le milieux de la Pologne, avec une armée de 40 mils Tartares comandé par le sultan Galga, fils ainé du Kam, et vingt milles Turcs il le déclara à mon dit sr de Fierville, le quel estant dénuée de tout secour luẏ demanda son agrément pour pouvoir aller faire un tour à Constantinople pour s'aboucher avec M. des Alleurs et il demanda aussẏ pour que je puisse ẏ aller avec luẏ. Il nous le permis à condition que nous serions de Retour en six semaines de temps pour le plus tard. Nous partimes, et arrivâmes le huitième jour après à Constantinople où nous ne Restâmes que 7 jours et nous nous en Repartime pour venir à Andrianople où la porte ottomane estoit pour lors. Nous ẏ logâmes chez M. de Remuzat, et chez m. la Marque, mr de Fierville fit demander un passe port pour nous en Retourner à Bender, ce qu'on luẏ Refusat disant qu'il prenne patiance, que peut estre Le Roẏ viendroit elle mesme à Andrinople. Ce discours, joint à ce que M. Funck pour lors Envojé de s. M. suédoise à la porte, fut arresté chés luẏ par une compagnẏ de janissaire, ne laissa pas de nous intriguer et de nous donner à panser sur l'estat des affaires, nous imaginant bien qu'il estoit arrivé quelques mésintelligence. Enfin j'allaẏ chés M. Funck déguisé en grec tous les jours 2 ou 3 fois. J'en sauvaẏ tous les papiers les plus de conséquence consernant les intérests de s. M. suedoise pour qu'ils ne tombent point entre les mains des Turcs. Enfin l'on aprit le calabalique arrivé à Bender que je vais détailler.

Le Roẏ ajant fait son projet de partir de Bender et traverser la Pologne avec 40 milles Tartares, et 20 mils Turcs le Roẏ Auguste envoja le colonel la Marre qui parloit bon turcs, pour s'aboucher avec le Kam des Tartarres, le Pacha de Bender, et le serasquier de l'armé pour tâcher de les corompre, pour qu'à certain endroit de Pologne il puisse ẏ embusquer de ses troupes pour enlever le Roẏ de Suede et le faire conduire en Saxe. Pour parvenir à quelque chose en Turquie comme dans bien d'autres endroit il ne faut que de l'argent, il ẏ Réussẏ mojenant ce qui suit, que le Roẏ Auguste son maitre donneroit cent milles escus en argent, et cinquante milles livres de pension annuelle au Kam des Tartares, et autant pour le serasquier, et le Pacha de Bender qu'ils partageroint à esgal portions. Ce traité conclu et aresté fut envojé au Roẏ Auguste qui pour lors estoit en Saxe, le quel le Ratifia et Le Renvoja aussitôt. Mais le courier qui le Raportois ne fut pas si heureux qu'en allant car sur les frontières de la Pologne, tous les Polonois, et les cosaques du partie de s. M. le Roẏ Stanislaus de Pologne estoint dispersé en cartier par faveur du grand seigneur, cet exprès tomba entre les mains d'un partie qui aresta ce courier qui voulu se sauver, mais il fut tué en le faisant et l'on trouva sur luẏ le paquet du Roẏ Auguste, pour le dit colonel la Marre, le quel fut aporté au Roẏ de Suede à Bender, qui l'ouvrit dans son conseil, et ajant trouvé ce traité Bien au claire, vous jugé bien qu'il n'eut garde de se Risquer de partir sans en avoir fait part au grand seigneur. Le Kam, le seraskier, le pacha Ismael de Bender, et tous les autres complice de cette trahison, qui attendoint cette Ratification, n'eurent garde de donner de fermann au Roẏ de Suede pour envojer à la porte ottoman, ce qui fit que ce prince ẏ envoja à tout risque une personne mais qui fut aresté en chemin, et ses lettres intercepté par les Turcs, qui ẏ virent que le Roẏ estoit instruẏ de tout ce qui se passoit, entre eux et la Saxe, ce qui fit qu'ils firent deux ou trois chesnes tout le long des chemains de Bender à Constantinople ou d'Andrianople où pour lors, la porte, estoit, et ils investirent le Roẏ dans le vilage de Warnitz où se prince avoit fait une maison pour se loger, et tous ses ministres, officiers, et jeans de sa suittes s'estoint pareillement logé, ou Baraqué. Ils envojèrent signifier à ce prince qu'il faloit partir absolument. Il Repondẏ qu'il estoit nécessaire qu'il comunique quelque chose au grand seigneur sur quoẏ ils luẏ Répondirent qu'ils avoint les ordres de sa hautesse pour lui Livrer, et fornir tout ce qu'il désireroit mais qu'en Revange ils avoint ordre de ne plus Luẏ laisser escrire, nẏ envojer à la porte. Sur quoẏ le Roẏ prit la Résolution de se retrancher de son mieu dans sa maison et autour, et d'ẏ retirer tout ce qui estoit à sa suitte qu'il dispersa en pelotton, et leurs assigna des postes pour les deffendre au cas d'insulte. Les Turcs vojant que ce Roẏ s'opiniâtroint à ne point partire, Résolurent de l'attaquer à force. Du reste pour cette esfect ils supposèrent en avoir Reçu l'ordre du grand seigneur, et comme les janissaires ne vouloint point attaquer disant qu'il estoit contre leurs Loix d'attaquer des jeans qui se Réfugioint et demandoint leurs secours, et protection, et mesme au lieu de vouloir les attaquer ils leurs fournissoint des vivres, malgrés leurs officiers. Il est vraẏ qu'on les Leurs pajoit au triple, mais qu'importe à quel prix, pour veüe que L'on en aje lors qu'on en a besoin. Ce triste manège dura pendant près d'un mois, situation bien dessolante pour d'honnaistes jean. Enfin les Turcs se lassant firent Lire à la teste des troupes l'ordre supposé ou faux du grand seigneur pour que l'on fasse partir par force ce Roẏ jaour qui signifie infidel. C'estoit un emir, un de leurs prestre, qui Lut cette ordre, mais ils crièrent tous d'une voje comune, cette ordre est fausse, le grand seigneur n'ira pas contre les decrets de Mahomet et Retiré vous avec cette infâme ordre ou nous tirerons sur vous. Les chefs estoint bien embarassés dans ces entrefaites car ils sentoient bien que si cela venoit aux oreilles du grand seigneur leurs teste en Réponderoint. Ils emplojèrent donc tous leurs crédit pour que les officiers solicitent chacuns leurs troupes à attaquer, leurs donnant, ou assurant des Récompence s'ils ẏ Réussissoint. Dans toutes ces dissentions les janissaires conférèrent entre eux, et Résolurent d'envojer une députation au Roẏ, pour luẏ offrire leurs secours et s'obliger à le conduire partout où il voudroit aller s'il vouloit se Remettre entre leurs mains et se fiere à leurs parolles. Je ne doute mesme pas qu'ils ne L'eussent fait conoissant la foẏ, la probité, et l'honneur des vraẏ Turcs, mais comme il se trouve beaucoup de malheureux Renégats parmie eux qui est une Race pire que celle du diable sa Majesté les Refusat. Ils Retournèrent Rendre compte à leurs troupes, qui ẏ Renvoja encor une seconde fois, et mesme une troizième fois, mais le Roẏ ne voulant point absolument les escouter, et les traitans mesme un peut durement ces envojé Revinrent enfin à leurs corps et dirent que ce prince devenoit delẏ, c'est à dire fol, et qu'il les avoit fait chasser. Tous les officiers profitèrent adroitement de ce refu, et du mécontentement des janissaires pour les engager à l'attaque. Elle fut Résolu pour le landemain, ils attaquèrent donc de tout les costé le roẏ, ce qui Réjouẏ beaucoup les Tartares qui Respiroint cela depuis longtemps. Enfin ils furent Repoussé par plusieurs Reprises avec perte de beaucoup de janissaire, et de Tartares, ce qui les annima d'autent plus, et leur fit prendre le partie de tirer, avec des petites pièces de canon qu'ils firent venir de Bender, à boulets Rouge sur la maison du Roẏ qui estoit couverte de bois de sapin, ce qui prit feux facillement, sans qu'on puisse l'estindre. Toutes les eaux que l'on avoit mis dans des tonneau au tour des portes, ou fenestre, où il en estoit besoin, s'estoint gelés, et ne furent d'aucune utillité que pour servir en forme de gabions. Enfin ce toit, ce plancher, ses poutres, estant toutes en feu et tombant absolument le Roẏ fut obligé de sortir de la dite maison pour en gagner une autre qui estoit derière la sienne qu'on ẏ bâtissoit pour Mr Müllern, son Chancellier, la quel n'estois point encor couverte. Mais le Roẏ courant pour se jetter dedans un de ses Domestique craignant de perdre son cher maitre, le prit par le cintuon, ce qui fit que le Roẏ, craignant, que ce ne fut quelque Turcs ce Retourna promptement, et s'entrelassant dans ses esprons, fit un faux pas, et tomba, tout pelle, mel, Suédois, et Turcs. Un janissaire lâcha un coup de pistolets au Roẏ dont la balle luẏ frisa le visage, depuis L'oreil droite, jusqu'au née, n'en esfleurant que la peau. Ce prince ce Releva et se débarassant des Turcs qui estoint autour de Luẏ en tua de sa propre mains 12 ou 14, un Turcs le prit par derière, et luẏ déchargant un furieux coup de sabre le sr Chambre, Brigadier des trabans et depuis colonel par comission, s'en apercevant para le coup avec une grosse carabine qu'il avoit, la quelle fut coupé en deux du coup, et coupa mesme le Bonet à la tartare que le Roẏ avoit sur sa teste, les qu'elles sonts Rembouré de la grosseur du point tout à l'entour, et fit outre cela une coupure assés léger sur le crâne du Roẏ, ce qui fait juger qu'il eût esté coupé en deux sans la parade àprospos qu'en fit le dit colonel Chambre. Mais tout estant les uns sur les autres et le chemain coupé au Roẏ pour pouvoir se jetter dans la dite maison qu'il vouloit gagner, fit que sa majesté accablés par le grand nombre ne peut estre tué mais elle fut prise, désarmée et mise sur un cheval et conduite dans la maison du pacha Ismahel de Bender, et en mesme temps toute sa suitte fut prise, et pillés. Vous jugés bien que dans un tel calabalique tous furent très maltraité. Les femmes, filles, et jeunes hommes, furent violés par les Turcs et Tartares soit de grée, soit de force, et les Turcs sont mesme si abandonné à ce crime de sodomie qu'ils poussèrent les célératisme jusqu'au vielle jeans et il ẏ en a qui ont prétendu qu'ils n'avoint respecté que le Roẏ. Je vous laisse à pencer du surplus. Enfin ils firent la grâce à sa majesté de luẏ donner le chancelier Müllern avec Luẏ et le colonel Grotousse. Tous les autres furent emmenés à cent lieu, cinquante Lieu plus ou moins, par ceux qui les avoint pris, et ils s'en servoint en esclaves et les vendirent à qui voulu les achepter. Telle général, colonel, ou autre officiers fut vendu et estoint Réduit au travaille soit du labeur, soit des escurie, soit du mesnage. Mre de Chiffrẏ, Résidentenvojé d'Anglettere, firent leurs possible pour en Rachepter. Ils commencèrent par leurs amis comme il est naturelle, ils emplojèrent en cette Bonne œuvres tout leurs argent et leurs crédit, car ces Messieurs ne s'estoint point tenu avec le Roẏ, ils estoint Resté dans leurs maison qui estoint dans les faubourg de Bender, aussi bien que Mrs les Polonais, et Mrs les cosaques. S. M. le Roẏ Stanislaus de Pologne arriva à Jassẏ, distant d'environ vingt lieu de Bender, où aprenant ce malheureux calabalique il prit certaines mesures qu'il crut convenable au bien des affaires du Roẏ de Suede et aux siennes et ne tarda pas à se Retirer par la crainte juste qu'il d'eut avoir d'estre livré par les Turcs au Roẏ Auguste qui n'en auroit selon toutes les aparence pas fait bonne usage. Tout estant dans ce malheureus estat m. de Fierville l'apris par le sr Fournetẏ, interprette de France à la Porte ottomane, qui avoit suivẏ la porte à Andrianople par ordre de m. le marquis Desalleurs, son ambassadeur, le quel estoit très mécontent de Mrs les Suedois qui leurs avoint promis force présents, et ne leurs en avoit donné aucuns, ce qui fit aussẏ qu'ils ne vouloint plus tous tant qu'ils estoint estre favorable au affaires du Roẏ de Suede. Dabord que M. de Fierville le Herissẏ eut apris cela il me le comuniqua. Je m'abillaẏ à la grec comme à mon ordinaire et j'entraẏ par surprisse chés Mr Funck, envojé de Suede, au quel je dit tout ce que j'avois apris, dont il estoit confusément instruẏ. Enfin il ne sçavoit quel partie prendre pour sortir son Respectable maître de l'esclavage, aussẏ Bien que sa suitte, et luẏ mesme, et tout ce qui estoit auprès de Luẏ, qui couroit les mesmes Risques; je luẏ dit, mr a grand maux, il faut grand Remèdes, il faut demander justice au grand seigneur de L'insulte faite au Roẏ, et demander une ample satisfaction. Sur quoẏ il me répondit, si je donne un mémoire pour cela il sera envojé au grand-visir qui est contre nous. C'estois le captan pacha Ibrahim, que le Roẏ avoit fait eslever à cette dignité parce qu'il estoit fort dans ses intérests lors qu'il n'estoit que Captan pacha, et tous les placets et mémoires que je donneraẏ Luẏ serons Renvojés et il les fera translatter dans le sens et les termes qui luẏ conviendrons et à ses complices, et au surplus je n'aẏ personne de ma suitte qui veüil se Risquer à le présenter. Sur quoẏ je luẏ dit, faisons le M. en françois et je le feraẏ translatter en turcs. Nous la fisme et aussitôt je Revin avec Réjoindre. M. de Fierville qui alla chés mrs les interprètes de France pour les engager à le translatter, ce qu'ils ne voulurent point faire, après bien des prières, des promesses, et des contestation et se servant de l'ottorité de ministre de France dont il estoit Revêtu, il résolu un de le translatter sur un mauvais papier, en luẏ promettant mesme de luẏ Rendre sa minute sitôt qu'il l'auroit fait transcrire par quelque autre dont la main n'estois pas connu à la porte. Il vint avec, me Rejoindre, et la donna. Je Recouru comme à l'ordinaire chés mr Funck, ou M. le Baron d'Arfwid, son aide des camps pour lors, du Roẏ, étoit le quelle sçavoit lire, et escrire parfaitement en turcs, mais il ne sçavoit point translatter, le mit au net dans la magnière, et sur du pareil papier qu'on doit escrire au grand seigneur, et il signa cette lettre, ou mémoire, comme il vous plaira le nommer, au nom du Roẏ en contrefaisant la signature de s. m, et on le cachetta avec le sçau du Roẏ. En suitte nous ẏ ajouttâme une lettre du colonel Grotousse qu'il m'escrivoit à moẏ pour ne pas laisser croire à la porte que cette lettre estoit fabriqué à Andrianople, et cette lettre m'ordonnoit de la part du Roẏ de présenter au grand seigneur ce paquet cẏ joint, et nous fisme une autre envelope par dessus adressés à moẏ, on la cacheta avec un cachet du Roẏ, et après l'avoir un peu sallẏ je l'ouvrit, et m'en Revint chés moẏ.

Il est bon de dire en passant que mrs les envojés Résidents moscovites et leurs agens furent instruẏ de mon dessin, aussẏ bien que M. de Comentoskẏ, ambassadeur de Pologne pour le Roẏ Auguste. Ils mirent tout en campagne pour prévenir ce coup, et de l'aveû de M. le comte de Collier, ambassadeur des estats généraux de Holande, il fut Résolu que l'on envojerois un de ses interprettes pour me corompre, et tâcher de m'engager à ne point me mesler des affaires du Roẏ de Suede, et pour cette esfect m'offrit de la part de Mrs de Cheremet, et Schaffirouf, ambassadeur de Moscovie, cinquantes mille escus. Je ne fus point assés Ennemẏ de ma propre honneur pour l'accepter. Je luẏ dit que cette proposition me surprenoit mais que je ne me mesloit nẏ directement nẏ indirectement des affaires de Suede. Nous nous séparâmes et je vint Réjoindre M. de Fierville qui me dit, mon cher comte je viens d'avoir une grande conférence avec les interprettes qui m'ont dit qu'absolument vous ne pouvié présenter cette Requeste au grand seigneur, qu'il ẏ avoit des ordres donné pour que personne n'approche de ce monarque, qu'insẏ vous serié haché en pièces et que vous ne servirié en Rien au Roẏ de Suede et que cela perderoit entièrement la nation françoise dans tout l'empire ottoman. Sur quoẏ je répondẏ à m. de Fierville, Mr je suis au service du Roẏ de Suede, je suis née ardenois, originaire d'Espagne, ainsẏ je vous donne ma parole telle chose qui puisse m'arriver je ne me Relameraẏ point françois, ne voulant point faire de tord à une nation si zellés, et si attachés, aux interests du Roẏ mon maitre. Le lendemain je me déguisaẏ à mon ordinaire en habit à la grec et allaẏ du costé de la mosquée où j'estoit instruẏ que le grand seigneur devoit aller. C'est comme on Le sçait la coutume que le grand visir ne vas jamais dans la mesme mosquée ou le grand seigneur vas le mesme jour, ainsẏ le dit grand visir n'ẏ estoit point mais il avoit donné ses ordres très ponctuellement pour que L'on ne Lassât avancer personne nẏ présenter aucuns mémoirs nẏ Requeste. Lorsque j'en fut aporté je voulu avancer en faisant L'incense, mais lors que je fut à une certaine porté plusieurs Turcs m'arrestèrent. J'avois pris de l'argent dans mes poches que je laissoit tomber pour les amuzers, mais deux s'acharnèrent à me détenir. En me voulant eschaper d'eux mon Bonet tomba. J'avois des grand cheveux qui pendoint sur mes Epaules ce qui faisoit figure assé crotexte, mais comme le grand seigneur passoit et que je vis bien que je manquerois mon coup je prit la Résolution de crier de toute mes force, aman aman, qui signifie grâce grâce. Le grand seigneur qui estoit à cheval vit heureusement ma figure, et mon empressement à me dégager de ceux qui me tenoint, cela luẏ fit faire un signe qui me fut favorable car d'abord on me lâcha et je travairsaẏ la foulle, et comme il ẏ avoit une haẏe de janissaire d'un costé de la Rue et une de l'autre qui prenoit depuis le palaẏ ou sérail du grand seigneur jusqu'à la mosquée, je traversaẏ celle qui estoit de mon costé, et il ẏ avoit des schiaous qui d'ordinaire marchent à droit et à gauche du grand seigneur 4 ou 8 de chaque costé. Je passaẏ au travers et me jettaẏ sur le grand seigneur et m'attachaẏ à sa cuisse droitte et le tint si serré qu'aucuns qui se jettèrent sur moẏ ne purent m'en arracher et je luẏ présentaẏ mon mémoire ou lettre en luẏ disant Schuet cral dan, qui signifie le Roẏ de Suede te donne cela. Un de ses officiers la prit et la luẏ présenta. Pour lors je quittaẏ prise en luẏ faisant une profonde Révérence. Il continua sa marche, et moẏ je fut aresté parce que l'on ne sçavoit ce que cela signifioit, et que l'on avoit mesme crûe que c'estoit quelques malheureux qui vouloit pognarder le grand sgr, parce que c'est la maxime quand on a quelques Requeste à présenter on se tiend derière la haẏe de janissaires et on eslève d'une main sa ditte Requeste au dessus de sa teste le plus que l'on peut, et un officier préposé pour cela les prend toutes et les présente au grand seigneur, ou au grand visir, mais comme je vouloit que cela passa directement par les mains du grand seigneur je voulu faire la Chose avec eclas affin de luẏ donner plus de curiosité de sçavoir ce dont il s'agissoit: il est bon de sçavoir que le Kam des Tartares, le seraskiers, et le pacha de Bender avoint déjà Rendu conte au grand visir, qui en avoit rendu compte au grand seigneur, au quel ils avoint persuadé que c'estois le Roẏ de Suede qui sans Raisons, les avoit attaqué, et leurs avoit tué plus de trois cents musulman, ce qui irita tellement le dit grand seigneur qu'il ordonna que l'on fasse conduire ce Roẏ jaour, à Salonique, qu'on l'ẏ embarqua, et qu'on le mesne dans une isle, d'où l'on ne devoit plus en parler, et l'ẏ laisser périr. Le grand seigneur entendẏ le service de sa mosquée, et moẏ l'on me fit assoire derière des toilles, au murailles de tentes, que l'on avoit dressés tout autour de la mosquée pour empaicher que personne n'ẏ aprocha. Là j'ẏ fut questionné qui j'estois. Je dis estre un colonel suédois. L'on me demanda ce que contenois ce que j'avois présenté au grand seigneur. Je répondit que je n'en sçavoit Rien, que je l'avoit Reçu du Roẏ mon maitre avec une ordre de le présenter au grand seigneur. L'on voulu sçavoir quẏ me l'avoit remis. Je dit que c'estois un janissaire qui estoit arrivé hiere de Bender. L'on voulu sçavoir quẏ il estoit, et où il estoit. Je répondẏ que je ne le conoissoit pas, et que je ne L'avoit jamais veüe, et que je ne sçavoit pas ce qu'il estoit devenu. L'on me foulla partout, de font, en comble, mais l'on ne me trouva que la Lettre du colonel Grotousse qui me donnoit ordre de sa majesté pour présenter au grand seigneur ce paquet qu'il m'envojois. L'on me menaça que j'alloit estre empaller. Je dit qu'ils estoient les maitres, et je leurs demandaẏ si le grand seigneur leurs ordonnois de faire quelque chose, et qu'ils ne voulussent point la faire comme on agiroit avec eux. Ils me dirent qu'il seroit empallés, à quoẏ je leurs Répondẏ que c'estoit la mesme chose chés nous, qu'ainsẏ j'aẏmois mieu L'estre en faisant mon devoir, que de l'estre en ne voulant pas le faire. Toute cette sérémonie de la mosquée dura près de deux heurs; et m'amuzant à faire un trou par curiosité avec mon doit à cette murail de tante, faisoit assé pour Regarder ce qu'il ẏ avoit en dedans. Il se Rencontra que je put voir au traver directement sur le vestibul de la dite mosquée, où en sortant le grand-seigneur s'aresta, et l'iman, ou moustẏ luẏ présenta un bassin plaint des fruits de la saison, et de fleur comme c'est l'ordinaire. Là il tira la lettre que je luẏ avoit présenté, il L'ouvrit, et la trouvant escrite en turc, il l'examina assés longtemps pour me persuader qu'il en pouvoit avoir Lüe 3 ou 4 ligne, ensuitte il la Reploẏa, la Remit dans son sein, Remonta à cheval, et Retourna à son sérail, en mesme pompe qu'il en estoit venu, et moẏ environs cinquantes pas après je fut conduit par des janissaires qui me tenoint un par un bras, un autre par l'autre Bras, et me conduisirent ainsẏ jusqu'au sérail. En ẏ arrivant l'on me mit dans une grande chambre qui estoit une espèce de cachot fort sombre. Là j'ẏ fut questionné par vingt diférentes personnes. L'on m'avoit donné pour interprette un bon viellard de L'isle de Malthe qui s'estois fait musulman qui dans son espèce paroissoit un fort bon homme, et qui entrois très forts dans mes peines: le grand seigneur vint luẏ mesme dans cette endrois quelques heurs après que j'ẏ eut esté. Il estoit déguisé pour que je ne sçache point que c'estois luẏ, mais je l'avois déjà veüe si souvent que je ne pouvois pas m'ẏ tromper. Je ne fis cependent point semblant de la conoistre, et je luẏ Rendis compte, à toutes les questions qu'il me faisoit, comme je le crut convenable aux intérests de sa majesté suedoise, et je luẏ exaltaẏ la gloire que s'estoit acquise le grand seigneur en traitant le dit Roẏ comme il avoit fait, et l'honneur que cela luẏ faisoit, chés tous les princes Chrestiens, et en mesme temps je luẏ fit sentir que tous les dits princes Chrestiens resentiroint un jour l'affron, et l'insulte que l'on faisoit à leur frère, si sa hautesse ne luẏ en faisoit pas donner une satisfaction proportionné à L'offance. Il me fit dire fort gratieusement que le grand seigneur avoit vraẏment l'âme d'un empereur, et que je pouvoit estre asseuré que si mon maitre avoit droit, il luẏ en feroit bonne justice. Enfin après bien des discours trop long à déduire, il me dit qu'il alloit Rendre compte au gd Sgr de ce que je venoit de luẏ dire. Il me quitta après avoir ordonné que l'on me fasse mettre dans un autre endroit plus propre. Je fut conduit dans une petite Chambre où l'on estendu un sacq de crain, et l'on m'ẏ fit assoire. Peut après l'on m'ẏ vint présenter une pipe, et du caffez: mr Funck m'avoit dit qu'en cas que je fut aresté, et que l'on me présenta quelque chose, ou à Boire, ou à mangé, que je ne prisse Rien, ce qui fit que je m'escusaẏ que je ne fumois jamais, et que je ne prenois point de caffé. Je Restaẏ encor près de deux heures, ou plus, dans cette dite Chambre gardé toujours à veüe par des janissaires, enfin l'on vint donner ordre à mes gardes de me conduire jusqu'à un certain han qui veut dire Cabaret et de m'ẏ garder jusqu'à nouvelle ordre. Mon interprette eût ordres de ne pas me suivre. Il me dit adieu, en me disant d'une aire pénétré de douleurs qu'il me conseilloit de me sauver si je le pouvoit. Je luẏ Répondit que je demandois satisfaction au nom du Roẏ mon maitre, et que je vouloit l'avoir, ou périr à la solicitation, comme je sçait que la coutume des Turcs est, que morte la Beste, morte le venin, qu'il n'ẏ a nulles suite dangereuse lors qu'un grand que vous voulés faire périr, est morts, ces sortes de famille ne se soutenant point chés les infidels, comme chés les chrestiens. C'estois bien mon dessin de m'esvader si je l'avoit pûe, mais je ne vouloit pas m'en confier à personne dans la crainte que ce ne soit pour me tirer les verres hors du née qu'il me donnoit ce conseil. Mes gardes me mesnèrent jusqu'auprès de ce han, et n'ajant aparament pas bien compris les ordres qui leurs avoint esté donné ils me dirent aida jaour, qui veut dire, va t'en infidel. Je les saluaẏ honnaistement, et m'en allaẏ. Lors que je les eût perdus de veüe, je triplaẏ mon pas, et comme je connoissoit assés la ville d'Andrianople, je passaẏ par toutes les plus petites Rüe de détour, et Revint chés le sr de Remuzat qui avoit bien voulu me loger chés Luẏ. En ẏ arrivant je trouvaẏ m. de Fierville qui estoit apuẏez sur sa fenestre, qui Raivoit à ma triste fin, parce qu'on l'avoit déjà asseuré que j'avois esté empallés, d'autres disoint que j'avois esté estranglé, et d'autres que j'avois eû la teste coupés. Comme il avoit bien des bontez pour moẏ il en estoit touché. Me vojant, il fut surpris et comblés de joẏe. Nous nous embrassâmes, et je luẏ contaẏ tout ce qui s'estoit passez. Je changaẏ vitte de décoration, et Repris mes habits Chrestiens, et m'en allaẏ aussitôt chés M. le Comte de Crispin qui estoit pour lors ambassadeur de s. M. le Roẏ Stanislaus de Pologne. Lors qu'il me vit, il fut fort surpris, parce qu'on luẏ avoit dit que j'avois esté aresté, sans qu'il sçut pourquoẏ L'estoit, et l'on luẏ avoit mesme asseuré que pour me conserver la vie, j'avois embrassé le Mahometisme, dont il estoit très fâchés parce qu'esfectivement il m'honnoroit de son amitié. Je le priaẏ de passer dans son cabinets, où je luẏ Racontaẏ le sujet de mon arrest, en luẏ disant que j'avois Reçu cette lettre directement du Roẏ. Cela L'estonna très fort, car il n'estoit point encor informé de tout ce qui s'estoit passés au sujet de sa majesté à Bender. Je le priaẏ ensuite de me procurer une personne fidel qui put Remettre à M. Funck un petit billet de moẏ. Il me donna un tailleur grec qui travaillois toujours alternativement pour sa maison, et pour celle de mr Funck, au quel je fit coudre mon billet sous sa fourure, et le priaẏ de le Remettre en main propre au dit mr Funck, chés le quel il fut aussitôt. Ce billet estoit pour luẏ aprendre ce qui s'estoit passés dans ma mission. Il me fit Réponce qu'il estoit instruẏ de tout, et qu'il attendoit une heureuse issu pour sa majesté, mais qu'il me priois de ne point aprocher de chés luẏ de quelques jours, et de me tenir le plus claus, et couvert, que je pourois, qu'il estoit bien aize de me sçavoir de hors, mais qu'on l'avoit assuré que j'estois toujour dans le sérail, où l'on me traitois fort gratieusement. Je Retournaẏ donc chés m. de Remuzat d'où je ne sortẏ que trois jours après, me déguisant pourtent de magnière à ne pouvoir estre Reconnüe. Le troisième jour passant dans les Rüe j'ẏ vit plusieurs corps morts gettés dans le milieu, exposé à estre mangé aux chiens. J'allaẏ du costé du sérail, j'ẏ vis nombre de testes les unes, sur les autres, comme des boulets de canons à la porte d'un arcenal, et nous aprismes que le grand seigneur ajant fait ordonner au grand visir de luẏ aporter les sçaux de l'empir, sous prétexte de luẏ faire sêler quelques expéditions; et que sitôt qu'il avoit esté entrez, les portes s'estoint refermé et que le grand seigneur, avec un de ses muets, luẏ avoit fait mettre le cordon au col, et L'avoit avec cette esclave estranglez luẏ mesme, tirant chacun un bout du cordon, et qu'il luẏ avoit fait oster les sçau; en mesme temps le mouftẏ, qui est comme qui diroit le pape chés les Chrestiens, avoit esté déposez, et exillée dans une isle. N'estant pas permis de les faire mourir lors qu'ils ont ce caractère, lors que l'on en veut à leur vie, on les dépose, et on leurs donne d'autres charge, et ensuitte l'on peut les faire estrangler tent que l'on veut, mais l'on ne sçait depuis ce qu'il est devenu. Le grand seigneur fit périr tout ceux qui ont püe estre subçonné d'avoir trampé dans cette trahison. Il envoja en mesme temps des schiaous à Bender avec ordre de déposer le Kam des Tartares, de l'exiller dans une isle, et de mettre son fils le sultan Galga en sa place, cette estat estant héréditaire à cette maison tartare à la qu'elle l'empire ottomane est dévolu, sitôt que la Race mâle de l'empereur qui ẏ Reigne actuellement finira, ce qui ne peut gaire arriver. L'on fit déposer pareillement le pacha de Bender, quoẏ qu'il fut beau-fils, ou beau frère du grand seigneur: et le seraskier on luẏ coupa la teste qu'on porta à Andrianople au grand seigneur, et il ẏ eû des ordres de Rendre au Roẏ, tous les honneurs düe à sa majesté, et de luẏ fournir tout ce qu'il demanderoit, soit en argent, en vivre, ou en esquipage, et ordre de conduire ce prince où il l'ordonneroit, et de le défrajer luẏ, et toute sa suitte, tout le long du vojage, et ordre en mesme temps de Luẏ faire Rendre tout les officiers, dragons, cavalier, ou autres, de telle calité, et condition qu'ils sojent. Comme la plus part estoint déjà dispercé dans les provinces, sa majesté Ramassa une soixantaines de personne, avec les quels il prit la Route d'Andrianople, laissant à Bender Mr le Baron de Spar, l'un de ses plus anciens généraux, pour faire Rassembler tous le Reste de sa suitte. Ce a esté Rendüe sans qu'il s'en soit perdu un soeul; tent du genere masculin, que de féminin; comme le grand seigneur estoit à Andrianople, les ministres du Roẏ conseillèrent à sa Majesté, pour esviter d'aller faire visite à ce sultan (conoissant bien le Roẏ qui L'auroit traité avec une grande hauteur) ce qu'ils vouloint prévenir, pour esviter les suites fâcheuses qui auroient püe en arriver, conseillèrent donc à sa majesté de faire le malade, et d'aller toujours sur un matela, mis dans un carosse à la turc, qui sonts fait à peut près comme un caisson, ce qu'il agréa. Ainsẏ le matin on le portoit sur son dit matela dans le caisson, dans le quel le colonel Grotous montoit aussẏ pour luẏ tenir compagnẏ. Quand on arrivoit à la coucher l'on Le sortoit de son caisson, ou carosse, avec son matela comme on Luẏ avoit mis. Ce vojage dura plusieurs jours. Enfin nous aprisme qu'il devoit arriver à une petite ville, dont j'aẏ oubligé le nom, nous partisme mr de Fierville, et moẏ, pour l'ẏ joindre. Comme je sçavoit l'estat malheureux dans le quel estoit toute sa suitte, je priaẏ M. de Remuzat de me fournir tout ce qu'il pouvoit de Linge, de bas, de Chapaux, de soulier, et enfin tout ce qu'il pouvoit avoir propre à les aẏder. Il me livra mesme jusqu'à ses propres chemises, et en arrivant à cette endrois je leurs distribuaẏ, ce qui leurs fit grand plaisir. Le pauvre chancelier Müllern n'avoit point de chemises pour en changer, et je luẏ donnaẏ mesme jusqu'à ma montre. Feiff, qui estoit un autre ministre, estoit dans le mesme estat, je luẏ donnaẏ de chemises, des bas, capeau, soulier, et pareillement aux autres qui en avoint les plus de Besoin, et j'osse dire qu'ils ne m'en ont pas seulement Remercier, je les aẏ pourtant pajer honnaistement à m. de Remuzat qui poura vous le certifier luẏ mesme, estant actuellement à Paris. Enfin le Roẏ estant establẏ dans le logement qui luẏ estsoit preparé, toujours sur son lit, faisant le malade, sçut que mr de Fierville, et moẏ, estoint dans son entichambre il ordonna que l'on nous fasse entrer, nous eûmes l'honneur de saluer sa majesté en luẏ témoignant la joẏe que nous avions de Revoir enfin sa majesté, la quel ordonna que je luẏ fasse raport de la magnier dont j'avois agis en sa faveur, et comme ce prince ne vouloit point parler françois, quoẏ qu'elle l'entendois, et le parloit très bien, elle ordonna au comte Carle Posse, qui depuis a esté envoẏé de Suede à la cour du Roẏ de Prusse, de me servir d'interprette. Je luẏ fit mon Raport dans tous les termes que je vous aẏ déduit cẏ devant. Sa majesté Rioit avec grand joẏe, et ce prince conclu, en me disant qu'elle m'asseuroit de sa protection, et qu'elle auroit soins toujour de ma fortune, et qu'il m'estoit bien obligé, et m'en Remercioit parfaitement. Enfin il n'ẏ eû point de marque de Reconoissance qu'elle ne me témoigna; le lendemain la Routte continua, et sa majesté estant instruite qu'il ẏ avoit un vilage nomé Demirtache à une demie Lieu d'Andrianople, demanda à ẏ loger, ce qui luẏ fut accordé. Il ẏ avoit plusieurs sérail dans ce petit endrois dont on fit sortir tous les Turcs qui les habitoint, pour les abandonner au Roẏ, et à sa suitte. Sa majesté ẏ demeura jusqu'à ce que le grand seigneur Retourna à Constantinople, et le lendemain il en partẏ pour aller faire sa Rézidence dans une petite ville à six Lieux de Là, nommé Demirtocca, où elle est Restez plus d'une ans, nourẏ, et toute sa suitte, au dépend du grand seigneur, qui faisoit fournir l'ajin; qui proprement signifie l'estappe, et de tems, en tems, le grand seigneur luẏ faisoit donner cent bource, cent cinquante, deux cents; une bource est comme qui vous diroit cinq cent escus argent de France. Je fais compte que pendant le séjour du Roẏ dans les estat de l'empir ottoman, il faut que le grand seigneur luẏ aje donné plus de trois milions d'escus, sans compter les présents tent en chevaux, sabre garnẏ de piererie, housse brodé de perle, de diaman, et saphir, faite à la manière qu'en portent nos hussard, ce qui valoit des sommes immance, mais dont il ne jouissoit point. Mr le comte de Potoskẏ, grand général de la couronne de Pologne pour le Roẏ Stanislaus, estant informé de Constantinople par son secrétair qu'il ẏ tenoit toujour, du temps que les dits présents partoint, et en quoẏ ils consistoint, et sitôt qu'ils estoint arrivé, Sire, disoit-il au Roẏ, cela ne convient point à votre majesté, je la prie de me le donner. Ce prince ne pouvoit luẏ Refuser par des mesnagement qu'il estoit obligé d'avoir pour luẏ, et je crois que sans exagérer l'on pouroit affirmer que ce général a eû au moins la valeur d'une quatrième partie de toutes les argents, et présents, que le Roẏ a eû du grand seigneur; enfin sa majesté vojant bien qu'il n'ẏ avoit pas mojen de Rentrer dans ses estats de Pomeranie à mains armée, après avoir Refusé les vaissau que sa M le feu Roẏ Louis XIIII de glorieuse mémoire, luẏ avoit offert pour le transporter à Marseille avec toute sa suitte, et de là le Remettre dans ses estats, comme elle L'auroit désiré, juga à prospos de demander à sa majesté impérial, et Catholique, le passage au traver de ses estats, tent pour elle, que pour sa suitte, ce qui luẏ fut accordé le plus gratieusement du monde. Ce prince le fit signifier à la porte ottomane, qui ordonna aussitôt que l'on fasse fournir tout le chevaux, chariots, et esquipage que ce prince demanderoit, et qu'on fournisse de l'argent pareillement. Les chevaux arrivé sa majesté Les fit distribuer à un Chacun selon son caractère, et ses besoins, mais pour le moins chaque officier avoit un cheval pour luẏ, et un pour son valet, et pour porter les esquipages, qui estoint à un Chacun, en petit volume. Il ẏ avoit des chariot du paẏs, qui de logement, en logements, changoint, et l'on donna à chaque officier cinquantes escus pour faire sa Route jusqu'à la frontièr des Turcs confinant à la Transilvanie. Sa majesté alla coucher la première nuit dans la plaine de Demirtache où elle trouva une belle tente tendue, que le grand seigneur luẏ faisoit présent, et il ẏ avoit huicts chevaux tout arnaché surperbe, et magnifique, entre autre il ẏ avoit deux juments d'Arabie, des qu'elles on présenta la filiation au Roẏ avec tous les certificats, qui prouvoient leurs orrigine de père, et de merre, sortie des haras de Salomon. Vous Regarderé cela comme une fable, mais il est Réel, sa majesté en fit mesme présent à S. A. S. M. le duc administrateur de Holstain à Stralsund; sa majesté arrivant à cette frontière ẏ fit sept, ou huict, jour, de séjour, pour ẏ former ces dessins, et de toute sa suitte il fit cinq division, et chaque division de trois troupes, et chaque troupe depuis 80, jusqu'à cent vingt personne, et il donna ces troupes à comander à de ses colonel. Cela estoit pour faciliter la marche parce que si tout avoit esté obligé de marcher ensemble il ẏ auroit Eû une grande diffigulté pour les loger. Comme j'aprit que le dessin de sa majesté estoit de partir incognito, et que j'aurois eu fort envie de la suivre je priaẏ sa majesté de me garder avec elle, mais elle me dit qu'elle suivoit la dernière troupe, et que je conduisoit la seconde, qu'ainsẏ cela ne se pouvoit pas pour cette fois; sa majesté fit défiler toutes les divisions, et les troupes, elle garda seulement douzes officiers parlant bien allemand, suedois, et françois, et pour esviter les honneurs que les troupes impérialles voudroint Rendre aux suedoise, sa majesté Résolut de donner à tous ses officiers généraux, ou colonels, des passe ports simplement de capitaines, et les douzes officiers qu'il avoit gardé, il les envoja en poste à Stralsund, 2 par une Route, 2 par une autre, et ainsẏ de tous, avec des ordres pour aller avertir de son départ de Turquie, et cela sans que les uns sachent rien des autres, et luẏ prit un habit gris d'épine, et une peruque noire, ce qui le déguisa si fort qu'il ne fut Reconu en aucun endroit, et il prit le Lieutenant colonel During, neveu du colonel Grotousse, avec Luẏ, et partẏ avec un passe port comme capitaines, tous les deux allant à Cassel donner avis à M. le landgrave de Hesse de son arrivé soudaines à Stralsund, et de là continuer leurs Route jusqu'au dit Stralsund, où ce prince arriva en 16 ou 17 jours. Ajant couru nuit, et jour, il arriva mesme qu'il fit une chutte le jour avant de son arrivé, qui luẏ avoit kernée l'os de La jambe depuis le hault jusqu'en bas. Cela ne l'arrêta pas. En arrivant il falut luẏ couper la Botte sur la jambe. Il Resta ce jour là dans son logis jusqu'à ce qu'on luẏ eût fait un habit, et d'autres bottes, ce qui fut fait en vingt quatre heures, et sans vouloir souffrire qu'on le pansât il prit ses bottes, s'habilla, et fut en mesmes temps visiter les fortifications, et passa les troupes en reveue et donna ses ordres sur tout ce qui pouvoit conserner le Bien de ses estats, et pourvoir aux Réparations de tout, autent que ses finances luẏ permettoint. Voilà monsieur je crois vous dire tout ce qu'il est nécessaires. Pour la suitte je vous l'envojeraẏ jusqu'à ce que je l'aẏ quittés avec une estat de toutes mes Récompense, si vous voulés, qui ne ferons pas honneur à la Suede, l'ajant servis avec tout le zelle, et la fidélité possible, et pour le prouver j'en pouraẏ produire Les certificats les plus autentique. Il est bien des particuliarité que je voudroit pouvoir vous dire, mais comme certains princes qui me les onts confiés vivent encor, je ne veut pas leurs manquer de fidélité, malgrés leurs peut de Reconoissance. Tout vient à tems, à qui peut attendre. Si j'avois Rendü des pareilles services à sa Majesté impérial, et Catholique, ou à sa majesté très chestienne je seroit Monsieur au suprême degrée de grandeurs. Ma naissance Répondent à toutes les dignités aux quelles ils auroint püe m'eslever. Dieu qui dirige tout le veut ainsẏ, que sa sainte volonté soit faite. J'aẏ l'honneur d'estre attachés aujourdhuẏ à S.A.S.M. le prince palatin du Rhin, duc Reignant des Deux Ponts, qui m'a faite la grâce de me conférer la charge de son premier Chambeland, et celle de vice comandant de ses gardes du corps à cheval, de la magnière la plus obligente du monde, ce que je vous détailleraẏ plus amplement à la suitte de cette narration. Voicẏ une petite lettre pour mr de Remuzat qui vous fera conoistre, mr Siere, monsieur de Marville, et les autres qui ont esté en Turquie avec sa majesté, et ils pourons se resouvenir des dattes, et des espoche dont vous auré besoin. J'aẏ un manuscrit de tout cela, mais dieu sçait ce qu'il est devenu. Il poura estre Resté chés M. le Comte de Villelongue de Verneüil, près d'Ormans sur Marne, qui est mon frère ainé, mais je n'en suis pas bien seure. M. de Marville, qui est son voisin, pouroit luẏ en escrire, et le prier de faire visiter tous les papiers que j'aẏ laissée chés luẏ, entre les mains du sieur Cellier; au surplus monsieur mon adresse est par Metz, et Sarlouis, aux Deux Ponts, où vous pouré m'escrire en droiture, et tout ce que vous croiré que je pouraẏ faire pour votre satisfaction soẏés bien persuadé que je le feraẏ de tout mon cœur. Le plaisir que je vous demande, est de me faire l'amitié de me donner un de vos exemplaire, estant escrit de votre main. J'en feraẏ grands cas, parce que vous est Renomé pour une des plus fine, et des plus fidelle plume qu'il ẏ aẏe. En attendant faite moẏ la justice de me croire très parfaitement, et très sinçairement,

Monsieur,

Votre très humble, et très obéissant serviteur,

le comte de La Cerda de Villelongue

Je continueraẏ le dit Récit du jour de notre entré en Transilvanie où nous fûmes Reçu on ne peut plus gratieusement par deux de mes parents, qui comandoient dans cette province. L'un estoit le comte de Stainville feldt marechal, qui signifie comme maréchal de France, le qu'elle ẏ estoit gouverneur général, et mr le Baron de Tige, Lieutenant général commandant à Cronstadt: si vous trouvé que cela vous soit nécessaire, et je continueraẏ jusqu'à la mort du Roẏ; l'eslevation du Roẏ d'aujourdhuẏ sur le trosne; ce qu'il m'avoit promis; et autres faittes dont vous feré L'usage et le cas que vous jugeré àprospos, et vous pouré me donner une adresse seure pour que le port des lettres ne vous coutte Rien.