1725-06-21, de Voltaire [François Marie Arouet] à Nicolas Claude Thieriot.

J'ai toujours bien de l'amitié pour vous, grande aversion pour les tracasseries, et baucoup d'envie d'aller jouir de la tranquilité chez madame de Berniere.
Mais je n'y veux aller qu'en cas que je sois sûr d’être un peu désiré. Je ferois mille lieues pour aller la voir si elle a toujours la même amitié pour moy, mais je ne ferois pas une stade si son amitié est diminuée d'un grain. Je devine que le Chevalier des Alleurs est à la Riviere et que vous y passez une vie bien douce. Je ne sai si mr de Berniere se dispose à partir. Il n'entend pas parler de moy ny moy de lui. Nous ne nous rencontrons pas plus que s'il demeuroit au marais et moy aux incurables. Je saurai probablement de ses nouvelles par madame de Berniere. Mandez moy comment elle se porte, si elle est bien gourmande, si Silva luy a envoié son ordonnance, si elle est bien enchantée du chevalier des Alleurs, si le dit chevalier toujours bien sain, bien dormant, et bien bandant, se dit toujours malade, enfin si on veut me souffrir dans l'hermitage. Je ne sai aucune nouvelle ny ne m'en soucie, j'attends des vôtres et vous embrasse de tout mon cœur.