ce 20 [December 1723]
Je reçus votre dernière lettre hier 19, et je me hâte de vous répondre, ne trouvant point de plus grand plaisir que de vous parler des obligations que je vous ai; vous qui n'avez point d'enfans vous ne savez pas ce que c'est que la tendresse paternelle et vous n'imaginez point quel effet font sur moi les bontez que vous avez pour mon petit Henri.
Cependant l'amour que j'ai pour lui ne m'aveugle pas au point de prétendre qu'il vienne à Paris dans un char trainé par six chevaux; un ou deux bidets avec des bâts et des panniers suffisent pour mon fils, mais aparemment que votre fourgon vous aporte des meubles et que Henri sera confondu dans votre équipage. En ce cas je consens qu'il profite de cette voiture, mais je ne veux point du tout qu'on fasse ces frais uniquement pour ce marmouset. Je vous recomande très instament de le faire partir avec plus de modestie, et moins de dépense. Martel est surtout inutile pour conduire ce petit garçon. Je vous ai déjà mandé par ma dernière lettre, que vous eussiez la bonté d'empêcher qu'on ne lui fit ses deux mil habits; ainsi il sera prest à partir avec vous et il poura vous suivre dans votre marche avec deux chevaux de bât qui marcheront derrière votre carosse et qui vous quiteront à Boulogne où il faudra que mon bâtard s'arrête. Aiez la bonté je vous en suplie de me faire savoir avec votre exactitude ordinaire si vous avez donné vos ordres au sujet de tous les articles dont je vous ai parlé dans ma dernière lettre; il n'y a pas un moment de temps à perdre, le jour de votre départ s'avance et je croi que vous ne le reculerez pas. Je n'aurai jamais en ma vie de si bonnes étrennes que celles que me prépare votre arrivée pour le jour de l'an.
Je vous prie de me mander si vous pourez me prêter pour quelques mois un lit et quelques fauteuils, car je vais vendre tous mes meubles cette semaine pour payer des dettes pressantes que j'ai, aimant bien mieux n'avoir point de lit que d'avoir des créanciers. Faittes je vous prie bien mes complimens à mr de Berniere et aux personnes qui sont chez vous. Tiriot ne vous écrit point cet ordinaire parce qu'il est auprès de son père à qui on administre le sacrement de l'extrême onction.