Je reçois ce vendredy votre lettre et me hâte d'y faire réponse afin de vous faire savoir tout au plutôt combien elle m'a fait de plaisir et combien je vous suis obligé.
Je ne me lasse point de donner de l'exercice à votre amitié. Premièrement, je vous prie de répandre que je n'ai été en Hollande que pour y prendre des mesures sur l'impression de mon poème et point du tout pour y voir mr Roussau.
2e Si vous pouvez m'acheter un excellent cheval de course de la valeur de deux cent ou deux cent cinquante livres pour le 12 de ce mois vous me ferez un plaisir infini. Vous n'avez qu’à charger de cette commission les mêmes gens qui ont vendu mes chevaux. Gaudin poura fort bien me rendre ce service. Assurez le je vous prie de ma reconoissance et de mon amitié pour toute ma vie.
3e J'ai vu Picard qui est chargé d'affaires pour un an; ainsi je ne compte point du tout sur luy. Aiez donc la bonté de distribuer les quatre autres estampes aux meilleurs graveurs de Paris.
Je ne conçois pas comment ma lettre à mr le Cardinal a pu transpirer. Elle n’étoit faitte ni pour être publique ni pour être aprouvée de messieurs du caffé. Je viens d'achever un ouvrage d'un autre genre que je vous montrerai à mon retour et dont je ne peux vous rien dire àprésent. Les caffez ne verront pas celui là sur ma parole. Si vous n'avez pas déjà mis à la poste le poème de mr Racine envoiez le moi sous l'enveloppe de mr de Chamberi, ministre de France auprès des états généraux à la Haye. Je ne vous mande rien de tout ce que j'ai fait et vu en ce pays cy. Je réserve tout cela pour les entretiens que nous aurons ensemble à Paris. J'y serai au plutard le 14. Je monte icy tous les jours à cheval, je joue à la paume, je bois du vin de tocai, je me porte si bien que j'en suis étonné. Je compte faire le voiage en poste sur mes maigres fesses. Ecrivez moi et priez dieu pour que j'ai de bons chevaux sur la route. Si vous pouviez savoir ce qu'on donne en France d'un escalin, d'un florin, d'un patagon, d'un ducat, d'une pistole d'Espagne, vous me feriez grand plaisir de me le mander au plus juste. Adieu mon cher ami, la poste va partir.
à la Haye ce 2 octobre [1722]
Voici une lettre pour mr de Troyes, j’écris en droiture à mr Coipel.