au châtau de Sully ce 20 juin 1719
Milord,
Je ne puis résister à l'envie de vous envoier de mauvais vers sur le biribi.
Ce n'est pas que je fasse grand cas de ce jeu ni de ma poésie mais c'est toujours une occasion de vous faire ma cour et de vous remercier de touttes vos bontez et de celles du roi que je ne dois qu’à vous. Je vous suplie Milord d'ajouter à touttes vos grâces celle d'envoier chez mon père cette belle montre que vous m'avez fait voir. Il sera charmé qu'on s'adresse à lui et que les présens que le roi d'Anglettere daigne me faire passent par ses mains. Il demeure dans la cour du palais à la Chambre des comptes.
Je viens de recevoir une lettre de Londres dans la quelle on me propose de me liguer avec les Anglais pour bannir la rime de la poésie françoise. Je n'ai point voulu entamer une négotiation si difficile sans en parler à votre excellence. Je ne tiens pas la chose praticable à moins que vous ne vous en mêliez. Vous avez sceü si bien acorder l'esprit de ces deux peuples qu'il y a grand aparence que vous pouriez acorder aussi les poètes des deux nations.
Vous devez milord Montrer les vers du biribi à Madame de Raimond. Ils auroient dû être fait pour elle.
Je suis avec baucoup de respect
Milord
de Votre Excellence
le très humble et très obéissant serviteur
Aroüet de Voltaire