1771-03-06, de Voltaire [François Marie Arouet] à Pierre Paul d'Ossun, marquis d'Ossun.

Monsieur,

Vôtre Excellence a porté bonheur à ma petite Colonie, et je me flatte qu’elle subsistera par vôtre protection, quoiqu’elle ait perdu son bienfaicteur M: le Duc De Choiseul.
C’est toujours une grande faveur que vous aiez daigné faire accepter la montre par Mr Le Comte d’Aranda, je vous en remercie avec la plus vive reconnaissance. Mes artistes m’ont pressé de prendre encor une liberté auprès de vous, c’est de prier Mr D’Ogni de mettre à vôtre adresse par le premier courier extraordinaire, une caisse de montres que je vous suplierai de faire parvenir à Mr Campo. J’ai peut être manqué à l’étiquête d’Espagne, les souverains du nord m’ont gâté; L’Impératrice de Russie m’a demandé pour vingt mille livres de montres de ma Colonie, et m’a écrit sur celà une Lettre dans le goût de Made de Sevigné. Apparemment qu’elle veut faire des présents aux Turcs quand elle leur aura bien voulu accorder la paix.

Votre Excellence sçait que M: Le Duc De Choiseul vôtre ami est toujours à Champteloup, honoré et estimé de la nation.

Les princes de Suede qui plaisent également à Versailles et à Paris, et qui ont banni absolument toute cérémonie, viendront voir la simplicité de nôtre Suisse vers pâques, après n’avoir point été éblouis de la magnificence de nos villes.

Je vous suplie, Monsieur, d’agréer avec vôtre bonté ordinaire la reconnaissance et le respect avec lesquels j’ai l’honneur d’être

De Vôtre Excellence

Le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire