1718-04-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis Charles de Machault.

Souffrez que le premier usage que je fasse de ma liberté soit de vous remercier de me l'avoir procurée.
Je ne pourai vous marquer ma reconoissance qu'en me rendant digne par ma conduitte de cette grâce et de votre protection. Je crois avoir profité de mes malheurs et j'ose vous assurer que je n'ay pas moins d'obligation à Monseigneur le Régent de ma prison que de ma liberté. J'ay fait baucoup de fauttes, mais je vous conjure Monsieur d'assurer son altesse royale que je ne suis ny assez méchant ni assez imbécille pour avoir écrit contre elle. Je n'ay jamais parlé de ce prince que pour admirer son génie, et j'en aurois dit tout autant quand même il avoit le bonheur d’être un homme privé. J'ay toujours eü pour luy une vénération d'autant plus profonde que je sçai qu'il hait la louange autant qu'il la mérite. Quoy que vous luy ressembliez en cela je ne puis m'empêcher de me féliciter d’être entre vos mains, et de vous dire que votre intégrité m'assure du bonheur de ma vie.

Je suis avec baucoup de respect et de Reconnoissance,

Monsieur,

Votre très humble et très obéissant serviteur,

Aröuet