1757-02-08, de Voltaire [François Marie Arouet] à Sophia Friderika Wilhelmina von Preussen, margravine of Bayreuth.

Madame,

Je crois que la suitte des nouvelles que j'ay eu l'honneur d'envoier à Votre altesse Royale luy paraitra aussi curieuse qu'atroce, et que le Roy son frère en sera surpris.

Il a eü la bonté de m'écrire une lettre où il daigne m'assurer de ses bonnes grâces. Mon cœur l'a toujours aimé, mon esprit l'a toujours admiré, et je crois que je l'admirerai encor davantage.

L'impératrice de Russie me demande à Petersbourg, pour écrire l'histoire de Pierre 1er. Mais Pierre 1er n'est pas le plus grand homme de ce siècle, et je n'irai point dans un pays dont le Roy votre frère battra l'armée.

Je ne sçai si la nouvelle du changement de ministère en France est parvenüe déjà à votre Altesse Roiale. On croit que l'abbé de Berni aura le premier crédit. Voilà ce que c'est que d'avoir fait de jolis vers.

Madame, madame le Roy de Prusse est un grand homme.

Que Votre altesse Royale conserve sa santé, qu'elle daigne ainsi que monseigneur honorer de sa protection et de ses bontez ce vieux suisse qui luy a été tendrement attaché avec le plus profond respect dès qu'il a eu l'honneur d'être admis à sa cour. Qu'elle n'oublie pas frère V……