[c. July 1751]
Mon cher Panpan, je vous assure que je ressens bien vivement la douleur de vous être inutile.
Croyez que ce n'est pas le zèle qui m'a manqué. Vous ne doutez pas de la satisfaction extrême que j'aurais eue à faire réussir ce que vous m'avez recomandé, mais ce qui est difficile en Lorraine, est encor plus difficile en Prusse, où la quantité de surnuméraires est prodigieuse.
Je compte bien profiter des bontez du Roy Stanislas, et venir me mettre aux pieds de madame de Bouflers au premier voiage que je feray en France et assurément je postuleray fort et ferme une place dans L'Académie. J'aurais le bonheur d'apartenir par quelque titre à un roy qu'on ne peut s'empêcher de prendre la liberté d'aimer de tout son cœur; cette place mon cher et ancien amy me serait encore plus prétieuse, si je me comptais au nombre de vos confrères.
Je ne me porte guères mieux que madame de Bassompiere, et c'est en partie ce qui m'a privé longtemps du plaisir de vous écrire. J'aurais bien de la vanité si je suportais mes maux avec cette douceur et cette égalité d'humeur qu'elle oppose à ses soufrances, et qu'ont si rarement les gens qui se portent bien. Je vous suplie de me conserver dans son souvenir et de ne me pas oublier auprès de madame de Bouflers. Esce que Mr le marquis du Chastelet est actuellement à Lunéville? Présentez luy je vous prie mes respects. J'ignore si mr son fils est à Commerci. Tout ce que je sçai de votre cour, c'est que je la regrette, même dans la société du héros philosophe auprès de qui j'ay l'honneur de vivre.
Je sçais bien bon gré à Mr de st Lambert d'avoir exclus Roy, ce méchant homme. Voudra t'il se souvenir de moy avec amitié? Je vous assure que j'en ressentirais une grande consolation. Quoy que j'aye absolument renoncé à la comète, cependant je n'ay point oublié la maison de M. Halliot, et vous me ferez grand plaisir de me protéger un peu dans cette maison.
Mon cher Panpan vous ne sauriez croire combien je suis affligé de n'avoir pu faire ce que vous m'avez recommandé. Je serais inconsolable si vous pouviez penser que j'aye manqué de bonne volonté. Je vous embrasse du meilleur de mon cœur.
V.