Je suis ici prisonnier au nom du roi, mais on est maître de m'ôter la vie & non l'amour que j'ai pour vous.
Oui, mon adorable maîtresse, je vous verrai ce soir, dussé-je porter ma tête sur un échafaud. Ne me parlez point, au nom de dieu, dans des termes aussi funestes que vous m'écrivez; vivez, & soyez discrète: gardez vous de madame votre mère, comme de l'ennemi le plus cruel que vous ayez: que dis-je, gardez vous de tout le monde, ne vous fiez à personne, tenez vous prête dès que la lune paraîtra, je sortirai de l'h. incognito, je prendrai un carrosse, ou une chaise, nous irons comme le vent à Schevelin, j'apporterai de l'encre & du papier, nous ferons nos lettres; mais si vous m'aimez, consolez vous; rappelez toute votre vertu & toute votre présence d'esprit, contraignez vous devant madame votre mère, tâchez d'avoir votre portrait, & comptez que l'apprêt des plus grands supplices ne m'empêchera pas de vous servir. Non, rien n'est capable de me détacher de vous: notre amour est fondé sur la vertu, il durera autant que notre vie; donnez ordre au cordonnier d'aller chercher une chaise: mais non, je ne veux point que vous vous en fiez à lui; tenez vous prête dès quatre heures, je vous attendrai proche votre rue. Adieu, il n'est rien à quoi je ne m'expose pour vous, vous en méritez bien davantage. Adieu, mon cher cœur.
A***