Champrosay, lundi1
Bonne chérie,
Je veux vous envoyer un petit mot de tendresse avant mon retour. Je n’ai rien changé à mes projets et coucherai à Paris, mardi soir. Je vous ai quittée l’autre jour dans une disposition si maussade que vous avez dû en avoir du chagrin. Pardonne-moi donc, chère amie. J’ai reconnu ma bêtise et surtout combien il était ridicule, pour un motif aussi frivole et pour un accident aussi facile à réparer, de gâter tout le plaisir que nous avions ensemble. Il y a des moments où je ne vois pas du tout les choses comme elles sont. Cette nuit, entre autres, je me suis réveillé avec la plus mauvaise impression du monde. Je croyais tout perdu, je me regardais comme la dernière des ganaches et me voyais sur le point de me jeter à la rivière. Heureusement que la raison est revenue avec le jour. De même avant-hier et hier, je me suis représenté comme j’avais été stupide. Gronde-moi et traite-moi comme je le mérite.
Après-demain, bonne chérie, nous dînerons ensemble et je te demanderai pardon physiquement et moralement. Ces peu de jours m’auront fait du bien. Le temps est très beau et n’est pas trop chaud. J’espère que je finirai mon affaire avec mon propriétaire et que je gagnerai une petite pièce de plus qui me donnera une vue charmante. J’ai pris mon homme véritablement au vol.
Adieu, bonne chérie ; ceci est pour l’acquit de ma conscience. Tu l’aurais eu hier si je n’avais été dérangé au moment de t’écrire. Ensuite l’heure de la poste était passée. Adieu encore. Pardonne-moi, chère amie, et aime-moi bien comme je t’aime et t’embrasse mille fois.