[p. 1] Ce jeudi matin 14 novembre 1
Mon cher ami,
C’est demain Saint Eugène et je regrette votre absence, j’aurais été bien heureuse de pouvoir vous offrir mon petit bouquet, ce sera pour votre retour. Vous ne m’aviez pas encore donné de vos nouvelles et cela est bien mal, car il y a eu hier trois semaines que vous m’avez donné quelques heures de bonheur ! Je crains que vous travaillez trop et que vous ne fassiez pas assez d’exercice ; ce n’est pas la peine d’être à la campagne pour rester enfermé dans sa chambre !
Ici [p. 2] nous avons souvent de la pluie, mais aussi quelques matinées bien belles.
J’ai enfin ma loge à l’Opéra. Elle est au 2e rang de face et on y voit et on y entend très bien, je l’ai tous les quinze jours. J’ai commencé lundi dernier 11 et je l’aurai maintenant lundi 25 de ce mois. J’ai eu Guillaume Tell, et j’ai été bien contente d’entendre cette admirable musique, mais hélas Dupré n’y était plus ! Si le lundi de ma loge, c’est-à-dire le 25, on donnait Alceste, voudriez-vous y venir2 ? Votre domestique pourrait venir avec vous à Paris, préparer votre appartement pour la nuit, [p. 3] et vous viendriez dîner avec moi, nous irions ensemble, et vous ne seriez pas obligé de rester tout le temps : du reste, je pourrai toujours vous écrire le spectacle la veille au matin. Je n’ai pas besoin de vous dire combien je serai heureuse de passer quelques bons moments avec vous.
Avez-vous le projet de revenir bientôt ? Donnez-moi de vos nouvelles. Eugène est encore à la campagne.
Je vous embrasse comme je vous aime, cher bon ami, et je vous envoie mille bonnes tendresses.
Be de Forget