1858-11-15, de  Forget, Joséphine de à  Delacroix, Eugène.

Mon cher ami,

J’arrive de chez vous, mon bouquet de fête sous le bras, car c’est aujourd’hui Saint-Eugène, et j’espérais bien avoir le plaisir de vous voir. J’ai été bien désappointée quand votre concierge m’a dit que maître et gens étaient à la campagne : le 15 novembre ! Voilà ce que c’est que d’être propriétaire ! Quand reviendrez-vous ? Si vous prolongez votre séjour à la campagne, écrivez-moi pour me donner de vos [p. 2] nouvelles. M. Laity m’a dit que vous aviez été très bien portant à Compiègne 1 et que vous aviez été assez courtisan pour suivre la chasse en voiture découverte. Est-ce vrai ? Mais je n’aurais jamais osé vous demander un pareil sacrifice, et bien dangereux pour votre larynx. Enfin, écrivez-moi, et venez vite me voir. Je voulais vous demander de venir dîner chez moi avec quelques amis qui vous plairaient sans vous fatiguer : c’est partie remise, n’est-ce pas ?

Mon bouquet de ce matin consiste dans un coffre à bois [p. 3] que j’ai fait en tapisserie et qui est destiné pour votre chambre : je vous l’apporterai à votre retour. Adieu, mon cher ami, vous avez dû avoir bien froid, mais bien beau à la campagne ; voici un gâchis épouvantable.

J’attends Eugène 2 qui est bien long à se décider à venir prendre ses quartiers d’hiver rue de La Rochefoucauld, et cependant, il y a bien longtemps que je ne l’ai vu.

Je vous embrasse de cœur, et me hâte de vous envoyer ce griffonnage, pour qu’il parte le 15 !

Adieu, cher ami, mille tendresses de cœur

Baronne de Forget