1778-02-01, de Marie Louise Denis à Henri Louis Lekain.

Mon oncle est tombé, Monsieur, dans l'état que je craignais pour lui.
Il n'est pas étonnant qu'il soit tombé très malade pour avoir travaillé nuit et jour dans sa quatre vingt quatrième année. Mais ce qui est étonnant, c'est qu'en si peu de temps il soit parvenu à finir complettement une tragédie dont il n'avait envoié à Paris qu'une esquisse très informe, il y a un mois.

Elle nous parait à tous actuellement fort audessus de Tancrède que vous avez tant fait valoir par vos talents uniques. Mon oncle a surtout profité fort heureusement des réfléxions judicieuses de Monsieur D'Argental. Vous vous en apercevrez mieux que personne.

Je compte venir faire un tour à Paris vers la mi-carême; j'y consulterai des médecins pour sa santé et pour la mienne, et j'aporterai la pièce qu'assurément vous ne reconnaîtrez pas. Il compte sur vôtre amitié, et vous êtes bien sûr de la sienne. Il vous en a toujours donné des preuves, et son seul chagrin est de ne vous en avoir pas donné autant qu'il aurait voulu.

Vous sentez quel regrêt j'aurai de le quitter. Je serai charmée de pouvoir vous marquer dans le peu de jours que je resterai à Paris, les sentiments que j'ai pour vous et que mon oncle partage avec moi. Il n'est pas actuellement en état de vous écrire.

Je suis, Monsieur, bien véritablement, vôtre très humble et très obéissante servante.

Denis