1774-12-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à Bernhard Wilhelm Goltz.

Monsieur,

J'ai reçu de s. m. le roi de Prusse une lettre pleine de bonté pour le sr de Morival, un de ses officiers.
Il joint à cette lettre celle que vous lui avez écrite le 6 novemb. Je vois avec quelle générosité vous voulez bien protéger ce jeune gentilhomme. Il est assurément bien digne de ce que vous daignez faire pour lui; il est plein de courage, de prudence et de vertu. Son unique ambition est de vivre et de mourir dans votre service.

Vous savez, monsieur, son horrible aventure. C'est un assassinat juridique, pire que celui des Calas. Plus ce jugement est atroce, plus on cache les pièces du procès. On nous fait espérer pourtant qu'enfin nous les obtiendrons. Alors nous nous jetterons entre vos bras. Et je me flatte que le nom du roi votre maître, suffira, avec vos bons offices, pour obtenir la justice qu'on demande. S'il nous était possible de retirer du greffe ces malheureux parchemins, nous pourrions alors vous conjurer d'engager m. le comte de Vergennes à demander la communication de ces pièces à m. le garde des sceaux, et nous saurions enfin précisément ce que nous devons demander. Heureusement rien ne presse encore. Le jeune s'occupe à mériter les bonnes grâces du roi, en apprenant les fortifications, et l'art du génie. Il y fait des progrès étonnants. Il a levé des cartes de tout un pays avec une facilité surprenante. Je les envoie au roi par cet ordinaire.

J'ose ajouter, monsieur, que si ce jeune homme est assez heureux pour vous être présenté, vous trouverez qu'il mérite les obligations qu'il vous a. Je joins mon extrême reconnaissance à la sienne.

J'ai l'honneur d'être avec respect &a.