7e xbre 1774
Le Roi de P … prend à cœur beaucoup plus que je ne croiais, l'affaire de ce jeune et très estimable officier.
Il m'en écrit du 18 novembre dans les termes les plus forts. Il m'envoie la Lettre en original qu'il a reçue de son ambassadeur à ce sujet.
Les deux Bertrands, protecteurs de l'innocence et du mérite, peuvent être très sûrs à présent que ce monarque n'abandonnera jamais une affaire si intéressante, et à laquelle il semble attacher sa gloire. Ce jeune gentilhomme est digne en effet de toute la protection du roi son maître. Son éducation avait été si négligée qu'il ne savait pas même l'arithmétique. Il a apris chez moi la géométrie et surtout la géométrie pratique en très peu de temps. Il sait lever des plans avec une facilité surprenante. Il vient de dessiner très proprement tout le païs qui est entre les Alpes et le mont Jura le long du lac de Genêve, et j'envoie cet ouvrage au roi son maître dès aujourd'hui. Il sera certainement le meilleur ingénieur de son armée.
Quant aux pièces nécessaires, je les attends depuis quatre mois, et je les attends encor. Tout ce que je sais c'est que son abominable affaire fut le fruit d'une tracasserie de petit ville, et d'une inimitié de familles. Un des juges avant de mourir se fit trainer chez un oncle du jeune homme, ancien chevalier de st Louis, et lui demanda publiquement pardon de son éxécrable injustice.
Il est étrange qu'il soit si difficile de réparer le crime absurde qu'il a été si facile aux juges de commettre. Mais enfin, il faut attendre les pièces; rien ne presse.
Je me recommande en attendant à la sagesse, au génie, et à la vertu. Ce n'est pas Raton qui écrit aux Bertrands, c'est Porphire qui écrit aux Epictetes.